La Chanson de Loïc

 
Dès que la grive est éveillée,
Sur cette lande encor mouillée
Je viens m'asseoir
Jusques au soir ;
Grand'mère, de qui je me cache,
Dit : « Loïc aime trop sa vache. »
Oh ! Nenni-da !
Mais j'aime la petite Anna.

A son tour, Anna, ma compagne,
Conduit derrière la montagne,
Près des sureaux,
Ses noirs chevreaux ;
Si la montagne, où je m'égare,
Ainsi qu'un grand mur nous sépare,
Sa douce voix,
Sa voix m'appelle au fond du bois.

Oh ! Sur un air plaintif et tendre,
Qu'il est doux au loin de s'entendre,
Sans même avoir
L'heur de se voir !
De la montagne à la vallée
La voix par la voix appelée
Semble un soupir
Mêlé d'ennuis et de plaisir.

Oui, retenez bien votre haleine,
Brise étourdie, ou dans la plaine,
Parmi les blés,
Courez, volez !
Ah ! La méchante est la plus forte,
Et dans les rochers elle emporte
La douce voix
Qui m'appelait au fond du bois.

Encore ! Encore ! Anna, ma belle !
Anna, c'est Loïc qui t'appelle !
Encore un son
De ta chanson !
La chanson que chantent tes lèvres,
Lorsque pour amuser tes chèvres,
Petite Anna,
Tu danses ton gai ta-ra-la !

Oh ! Te souvient-il de l'yeuse
Où tu montas, fille peureuse,
Quand tout à coup
Parut le loup ?
Sur l'yeuse encor, ma mignonne,
Que parmi les oiseaux résonne
Ta douce voix,
Ta voix qui chante au fond du bois !

Mais quelle est derrière la branche
Cette fumée errante et blanche
Qui lentement
Vers moi descend ?
Hélas ! Cette blanche fumée,
C'est l'adieu de ma bien-aimée,
L'adieu d'amour,
Qui s'élève à la fin du jour.

Adieu donc ! — contre un vent farouche
Au travers de mes doigts ma bouche
Dans ce ravin
L'appelle en vain ;
Déjà la nuit vient sur la lande ;
Rentrons au bourg, vache gourmande !
O gui-lan-la !
Adieu donc, ma petite Anna !

Collection: 
1826

More from Poet

  • Ô maison du Moustoir ! combien de fois la nuit,
    Ou quand j'erre le jour dans la foule et le bruit,
    Tu m'apparais ! - Je vois les toits de ton village
    Baignés à l'horizon dans des mers de feuillage,
    Une grêle fumée au-dessus, dans un champ
    Une femme de loin appelant...

  • À Berthel.

    Avec une jeune veuve,
    Tendre encor, j'en ai la preuve,
    Parlant breton et français
    En causant de mille choses,
    Par la bruyère aux fleurs roses,
    Tout en causant je passais.

    C'était en juin, la chaleur était grande
    Sur le sentier qui...

  • Je crois l'entendre encor, quand, sa main, sur mon bras,
    Autour des verts remparts nous allions pas à pas :
    " Oui, quand tu pars, mon fils, oui, c'est un vide immense,
    Un morne et froid désert, où la nuit recommence ;
    Ma fidèle maison, le jardin, mes amours,
    Tout...

  • Ô mes frères, voici le beau temps des vacances !
    Le mois d'août, appelé par dix mois d'espérances !
    De bien loin votre aîné ; je ne puis oublier
    Août et ses jeux riants ; alors, pauvre écolier,
    Je veux voir mon pays, notre petit domaine ;
    Et toujours le mois d'août...

  • Écris-moi, mon ami, si devant ta faucille
    Le seigle mûr de couleuvres fourmille ;
    Dis-moi, brave Berthel, si les chiens altérés
    Errent par bande aux montagnes d'Arréz.

    Hélas ! durant ce mois d'ardente canicule,
    Tout fermente ; et partout un noir venin circule....