La Cage

Ma tête est une étrange cage
Où dorment mille oiseaux siffleurs ;
Ils sont jolis comme des fleurs,
Sous leur divertissant plumage.

Si je veux troubler leur sommeil
Et faire chanter des l’aurore
Cette cage multicolore,
je bois un peu de vin vermeil.

Aussitôt commence la fête :
Fauvettes, merles et pinsons

M’assourdissent de leurs chansons
Et tourbillonnent dans ma tête.

Le rossignol donne le la,
Il possède toute la lyre ;
Et l’alouette tirelire
Tirelire lire lan la.

Le vif courcaillet de la caille
Se mêle aux trilles du linot,
Et le misérable moineau
Y va de son refrain canaille.

C’est un vacarme s’il en fut,
À peine si je m’entends vivre ;
Ces bougres-là me rendent ivre
Avec leur terrible raffut.

En tout cas ils sont gais, les pauvres,
Ils sifflent, d’après leurs aïeux,
Les dialectes merveilleux
Que l’on parle dans les Hanovres.

Ce sont mélanges assortis
De volapük et de kabyle,
Où le cochon le plus habile
Ne trouverait pas ses petits,

D’indéchiffrables ulalumes !
Il n’est pas jusqu’au perroquet

Qui ne jappe comme un roquet,
Le détestable singe à plumes !

Pépiez, gringottez en chœur
Dans ce désordre mémorable,
Faites un tapage du diable,
Chers petits oiseaux de mon cœur ;

Pour vous sortir de la nuit noire
Et vous voir naître à la gaîté,
Grâce à ce vin fait de clarté,
Je passerais mon temps à boire.

Collection: 
1939

More from Poet

  • Je demande en mariage
    La fille d’un roi,
    Avec ou sans alliage :
    Plutôt sans, ma foi.

    ...
  • Quand, en Chine, un Chinois devient décapité,
    Une fois sa besogne faite,
    Le bourreau, sans tarder, avec habileté
    Lui recoud, aussitôt, la tête.

    La...

  •  
    Dès qu’il sut que la Joconde,
    La merveille sans seconde (?)
    Du Louvre avait disparu,
    Lépine, avec sa cohorte
    De sbires de toute sorte,
    Aussitôt est accouru,

    Suivi de Monsieur Homolle,
    Œil inerte et jambe molle,
    Et de Dujardin-Beaumetz,...

  • Vous avez beau dire et faire
    Voici le Printemps !
    Vous pouvez dans l’atmosphère
    Mordre à pleines dents....

  • Je t’ai maudite bien des fois,
    Eau du ciel, en mon ignorance ;
    N’ayant guère de déférence
    Sinon pour le vin que je bois.

    Ce soleil qui nous tyrannise,
    Certes, fera du vin coté ;
    Mais plus nombreux il eût été,
    S’il eût plus plu, qu’on se le dise.

    ...