Il s’en allait errant sur la terre. Que Dieu
guide le pauvre exilé !
(LAMENNAIS.)
Aimer ! parole triste, insultante ironie,
Pour qui vit un matin ;
Mot fatal et qui n’a d’écho, dans cette vie,
Qu’amertume et dédain !
(A. de LATOUR.)
Je pars…nul écho sur la rive,
Pas un murmure dans les bois ;
Pas un bruit de feuille plaintive :
Le will-poor-will même est sans voix.
La Nature semble endormie,
Le front d’un nuage voilé ;
Nul souffle sur l’onde assoupie :
Dieu guide le pauvre exilé !
Je pars… adieu, pinière sainte !
Adieu, mes deux cyprès jumeaux !
Adieu, vieux chênes de l’enceinte,
Mélèzes verts, aux frais rameaux !
Caché sous vos voiles de mousse,
Je ne goûterai plus, l’été,
L’ombre et la sieste si douce :
Dieu guide le pauvre exilé !
Je pars… et pour toujours peut-être,
Sans espérance de retour ;
Loin des bayous qui m’ont vu naître,
Je fuis, le cœur brisé d’amour.
Des pins la sauvage harmonie
Hélas ! ne m’a point consolé ;
Il me faut le ciel d’Italie !
Dieu guide le pauvre exilé !
Oui, je veux respirer l’arome
Des mélèzes de Trivoli :
J’irai, sur les débris de Rome,
Chercher le silence et l’oubli.
Tu verses, ô ville éternelle,
Le calme à tout cœur désolé ;
Que je m’endorme sous ton aile !
Dieu guide le pauvre exilé !
Bonfouca, 24 mai 1838.