L’Épousée

 
Elle est fragile à caresser,
L’épousée au front diaphane,
Lis pur qu’un rien ternit et fane,
Lis tendre qu’un rien peut froisser,
Que nul homme ne peut presser,
Sans remords sur son cœur profane.

La main digne de l’approcher
N’est pas la main rude qui brise
L’innocence qu’elle a surprise
Et se fait jeu d’effaroucher,
Mais la main qui semble toucher
Au blanc voile comme une brise ;

La lèvre qui la doit baiser
N’est pas la lèvre véhémente,
Effroi d’une novice amante
Qui veut le respect pour oser,
Mais celle qui se vient poser
Comme une ombre d’abeille errante ;

Et les bras faits pour l’embrasser
Ne sont pas les bras dont l’étreinte
Laisse une impérieuse empreinte
Au corps qu’ils aiment à lasser,
Mais ceux qui savent l’enlacer
Comme une onde où l’on dort sans crainte.

L’hymen doit la discipliner
Sans lire sur son front un blâme,
Et les prémices qu’il réclame
Les faire à son cœur deviner :
Elle est fleur, il doit l’incliner,
La chérir sans lui troubler l’âme.

Collection: 
1872

More from Poet

  •  
    Mon corps, vil accident de l’éternel ensemble ;
    Mon cœur, fibre malade aux souffrantes amours ;
    Ma raison, lueur pâle où la vérité tremble ;
    Mes vingt ans, pleurs perdus dans le torrent des jours :

    Voilà donc tout mon être ! et pourtant je rassemble...

  •  
    Tu veux toi-même ouvrir ta tombe :
    Tu dis que sous ta lourde croix
    Ton énergie enfin succombe ;
    Tu souffres beaucoup, je te crois.

    Le souci des choses divines
    Que jamais tes yeux ne verront
    Tresse d’invisibles épines
    Et les enfonce dans ton...

  • Ces vers que toi seule aurais lus,
    L’œil des indifférents les tente ;
    Sans gagner un ami de plus
    J’ai donc trahi ma confidente.

    Enfant, je t’ai dit qui j’aimais,
    Tu sais le nom de la première ;
    Sa grâce ne mourra jamais
    Dans mes yeux qu’...

  •  
    Toi qui peux monter solitaire
    Au ciel, sans gravir les sommets,
    Et dans les vallons de la terre
    Descendre sans tomber jamais ;

    Toi qui, sans te pencher au fleuve
    Où nous ne puisons qu’à genoux,
    Peux aller boire avant qu’il pleuve
    Au nuage...

  •  
    O vénérable Nuit, dont les urnes profondes
    Dans l’espace infini versent tranquillement
    Un long fleuve de nacre et des millions de mondes,
             Et dans l’homme un divin calmant,

    Tu berces l’univers, et ton grand deuil ressemble
    A celui d’une...