Toujours debout, toujours en route,
Malgré les veilles et la goutte,
Sur terre on voit l'Épicurien,
Joignant à la soif de la gloire
L'autre soif qui le porte à boire,
Galant homme et joyeux vaurien,
Vivre long-temps et vivre bien :
Pour en citer plus d'un exemple,
Voyez l'Anacréon du Temple
A cent ans saisir à tâtons
Les fillettes et les flacons ;
De Théos on a vu le sage,
Qui gaîment eût passé cet âge
S'il n'avait d'un grain de raisin
Avalé jusques au pépin ;
J'ai vu le galant Fontenelle,
A cent ans pressant une belle,
Lui dire encore sans témoins :
Ah ! si j'avais dix ans de moins !...
Grâce à l'Amour, Saint-Aulaire
Fut heureux quoique centenaire ;
Presqu'à la centaine atteignant
On a vu chanter Latteiguant ;
Et Piron qui dans sa vieillesse
Fit des vers brûlants de jeunesse.
Chargé d'un siècle, au double mont
J'ai vu gravir Saint-Evremont,
Et, parmi tant de bonnes âmes,
Si j'ose vous parler des femmes,
A cent ans on a vu Ninon
Qui n'avait pas encorvdit non.
Après elle le grand VoItaire
Quatre-vingt-cinq ans sur la terre
Chemin faisant s'est arrêté,
Allant à l'immortalité....
Tous ces gens, que le monde honore,
Pouvaient aller plus loin encore ;
Ils en avaient l'intention,
Et sont morts par distraction.
Désaugiers et ses Amis.