À feu COURNET, membre de la Commune.
Il faut mourir ! mourons ! c’est notre faute !
Courbons la tête et croisons-nous les bras !
Notre salaire est la vie, on nous l’ôte,
Nous n’avons plus droit de vivre ici-bas !
Allons nous-en ! mourons de bonne grâce,
Nous gênons ceux qui peuvent se nourrir.
A ce banquet nous n’avons pas de place.
Il faut mourir !
Frères, il faut mourir !
Il faut mourir ! plus de travail au monde.
Quoi ? l’atelier ? la machine à vapeur,
Les champs, la ville et le soleil et l’onde
Sont arrêtés ? l’argent vient d’avoir peur.
L’entraille chôme et la baisse ou la hausse
Glace la veine où le sang veut courir,
Sans un outil pour creuser notre fosse.
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !
Il faut mourir ! mais les blés sont superbes !
Il faut mourir ! mais le raison mûrit.
Il faut mourir ! mais l’insecte des herbes
Trouble le gîte et le grain qui nourrit.
Le ciel s’étend sur toute créature,
En est-il donc qui naissent pour souffrir ?
Sous les scellés qui donc tient la nature ?
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !
Le désespoir a vidé la mamelle.
Ne tette plus ! Meurs ! petit citoyen.
Ton père eut tort, ta mère est criminelle,
On ne fait pas d’enfant quand on n’a rien.
La fièvre gagne et le faubourg s’irrite !
Venez fusils, canons, venez guérir,
La mort de faim ne va pas assez vite !
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !
Allons, misère, à tes rangs, bas les armes !
Qu’à pleine rue on nous achève enfin.
Femmes, venez, pas de cris, pas de larmes !
Enfants, venez, puisque vous avez faim.
Tueurs en chef, achevez la campagne,
Puisse avec nous notre race périr !
Au travailleurs ne léguons pas le bagne.
Il faut mourir !
Frères ! il faut mourir !
30 juin 1848.