Cette femme a souri quand j’ai passé près d’elle.
Sait-elle qui je suis ? Et si j’étais sans foi,
Sans honneur, sans amour, sans la moindre étincelle
De cœur ni d’âme ! Elle eût encor souri pour moi…
Funeste et ravissante, à l’inconnu qui passe
Sa bouche offre un baiser de poison et de miel,
Et ses yeux bleus, mêlés d’impudeur et de grâce,
Provoquent à la honte avec l’azur du ciel.
Ne vous vantez jamais, ô femmes, d’être belles,
Car ce n’est pas à vous que l’homme en fait honneur ;
Le jour pur et lointain qui luit dans vos prunelles
Ne prend pas sa lumière au feu de votre cœur ;
Vous ignorez le beau dont vous portez la trace ;
Ce que disent vos yeux vous ne le savez pas :
Leur langage n’est point cette irritante audace
Qu’un vaniteux miroir leur enseigne tout bas.
Vous songiez au plaisir, à quelque absurde fête,
Au moment où vos corps nous ont manifesté
Dans les pas, et la taille, et le port de la tête,
Cette divine aisance et cette majesté.
N’ayez jamais d’orgueil de la douleur des hommes,
Quand vous les avez vus pleurer à vos genoux ;
Dieu, l’idéal rêvé, voit la peine où nous sommes :
Il sait bien que c’est lui qui nous tourmente en vous.