Fables

L’apologue est un don qui vient des immortels ;
Ou si c’est un présent des hommes,
Quiconque nous l’a fait mérite des Autels.
Nous devons, tous tant que nous sommes,
Eriger en divinité
Le Sage par qui fut ce bel art inventé.
C’est proprement un charme : il rend l’âme attentive,
Ou plutôt il la tient captive,
Nous attachant à des récits
Qui mènent à son gré les cœurs et les esprits.
O vous qui l’imitez, Olympe, si ma Muse
À quelquefois pris place à la table des Dieux,
Sur ses dons aujourd’hui daignez porter les yeux,
Favorisez les jeux où mon esprit s’amuse.
Le temps qui détruit tout, respectant votre appui
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage :
Tout Auteur qui voudra vivre encore après lui
Doit s’acquérir votre suffrage.
C’est de vous que mes vers attendent tout leur prix :
Il n’est beauté dans nos écrits
Dont vous ne connaissiez jusques aux moindres traces ;
Eh qui connaît que vous les beautés et les grâces ?
Paroles et regards, tout est charme dans vous.
Ma Muse en un sujet si doux
Voudrait s’étendre davantage ;
Mais il faut réserver à d’autres cet emploi,
Et d’un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage.
Olympe, c’est assez qu’à mon dernier ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d’abri :
Protégez désormais le livre favori
Par qui j’ose espérer une seconde vie.
Sous vos seuls auspices ces vers
Seront jugés malgré l’envie,
Dignes des yeux de l’Univers.
Je ne mérite pas une faveur si grande ;
La Fable en son nom la demande :
Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous ;
S’il procure à mes vers le bonheur de vous plaire,
Je croirai lui devoir un temple pour salaire ;
Mais je ne veux bâtir des temples que pour vous.

Collection: 
1641

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