En Bretagne

 

C’est vrai, j’ai filé comme Hercule
Aux pieds d’Omphale, la jolie ;
Je fus servant de sa folie ;
On m’a trouvé bien ridicule.

Mon cœur au hasard s’envola,
Sanglant, sur l’abîme fleuri.
J’ai reposé mon front meurtri
Sur les seins durs de Dalila.

Mais la Bretagne, rude et franche,
M’accueille au bord de sa feuillée.
Mon enfance s’est réveillée
An son des cloches du dimanche.

En ce doux et charmant décor
On peut aimer sans en mourir,
Les ajoncs viennent de fleurir ;
Toutes les routes sont en or.

Et l’oiseau chante, chante, chante
Son chant breton qui s’évertue.
En ce grand calme, elle s’est tue,
La vie imbécile et méchante.

Adieu, mon immense rancœur !
Plus rien de laid, plus rien d’amer.
Le bleu céleste de la mer,
Tout le bleu tendre est dans mon cœur.

Collection: 
1901

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