El leteo

Ven sobre mi corazón, alma cruel y sorda,
Tigre adorado, monstruo de aires indolentes;
Quiero, por largo rato sumergir mis dedos temblorosos
En el espesor de tu melena densa;

En tus enaguas saturadas de tu perfume
Sepultar mi cabeza dolorida,
Y aspirar, como una flor marchita,
El dulce relente de mi amor difunto.

¡Quiero dormir! ¡Dormir antes que vivir!
En un sueño tan dulce como la muerte,
Yo derramaré mis besos sin remordimiento,
Sobre tu hermoso cuerpo pulido como el cobre.

Para absorber mis sollozos sosegados
Nada equiparable al abismo de tu lecho;
El olvido poderoso mora sobre tu boca,
Y el Leteo corre en tus besos.

A mi destino, en lo sucesivo, mi delicia,
Yo obedeceré como un predestinado;
Mártir dócil, inocente condenado,
Del cual el fervor atiza el suplicio,

Yo absorberé, para ahogar mi tormento,
El nepente y la buena cicuta,
En los pezones encantadores de ese pecho agudo
Que jamás aprisionó un corazón.

Collection: 
1841

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