Camélia et Paquerette

On admire les fleurs de serre
Qui loin de leur soleil natal,
Comme des joyaux mis sous verre,
Brillent sous un ciel de cristal.

Sans que les brises les effleurent
De leurs baisers mystérieux,
Elles naissent, vivent et meurent
Devant le regard curieux.

À l’abri de murs diaphanes,
De leur sein ouvrant le trésor,
Comme de belles courtisanes,
Elles se vendent à prix d’or.

La porcelaine de la Chine
Les reçoit par groupes coquets,
Ou quelque main gantée et fine
Au bal les balance en bouquets.

Mais souvent parmi l’herbe verte,
Fuyant les yeux, fuyant les doigts,
De silence et d’ombre couverte,
Une fleur vit au fond des bois.

Un papillon blanc qui voltige,
Un coup d’œil au hasard jeté,
Vous fait surprendre sur sa tige
La fleur dans sa simplicité,

Belle de sa parure agreste,
S’épanouissant au ciel bleu
Et versant son parfum modeste
Pour la solitude et pour Dieu.

Sans toucher à son pur calice
Qu’agite un frisson de pudeur,
Vous respirez avec délice
Son âme dans sa fraîche odeur :

Et tulipes au port superbe,
Camélias si cher payés,
Pour la petite fleur sous l’herbe,
En un instant, sont oubliés !

Collection: 
1831

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