Après le bain

 

Des perles encor mouillent son bras blanc.
Couchée en un lit de joncs verts et d'herbes,
Le sein ombragé d'un rameau tremblant,
Au bruissement des chênes superbes,
Aux molles rumeurs des halliers épais,
Non loin de la source elle rêve en paix.
Tandis qu'au revers des souples lianes,
Sur son reflet nu se figent pâmés
Les flots du bassin, lèvres diaphanes,
Sous les noirs treillis au ciel bleu fermés,
Les yeux demi-clos, chargés de paresse,
Elle se renverse, écoute, et caresse
D'un baiser brûlant et vague à la fois
Le souffle lointain qui monte et qui passe,
Immense soupir amoureux des bois.
Et tout souvenir en son cœur s'efface ;
Et sous le réseau des parfums flottants,

Dans l'oubli des dieux, du monde et du temps,
Morte au vain souci du désir frivole,
En libres essaims de songes épars,
Son âme à travers les taillis s'envole.
Autour des buissons, sur les nénuphars,
Ne bourdonne plus l'abeille assouvie,
Et partout s'éloigne ou s'endort la vie.
Ils ne chantent plus, les oiseaux siffleurs ;
Et vers ce beau corps teint de flammes roses,
De tous les côtés se penchent les fleurs,
Semblables aux yeux agrandis des choses.

Collection: 
1858

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