À quoi pense la nuit ?

 
À quoi pense la Nuit, quand l’âme des marais
Monte dans les airs blancs sur tant de voix étranges,
Et qu’avec des sanglots qui font pleurer les anges
Le rossignol module au milieu des forêts ?…

À quoi pense la Nuit, lorsque le ver luisant
Allume dans les creux des frissons d’émeraude,
Quand murmure et parfum, comme un zéphyr qui rôde,
Traversent l’ombre vague où la tiédeur descend ?…

Elle songe en mouillant la terre de ses larmes
Qu’elle est plus belle, ayant le mystère des charmes,
Que le jour regorgeant de lumière et de bruit.

Et — ses grands yeux ouverts aux étoiles — la Nuit
Enivre de secret ses extases moroses,
Aspire avec longueur le magique des choses.

Collection: 
1899

More from Poet

  • Toujours la longue faim me suit comme un recors ;
    La ruelle sinistre est mon seul habitacle ;
    Et depuis si longtemps que je traîne mes cors,
    J'accroche le malheur et je bute à l'obstacle.

    Paris m'étale en vain sa houle et ses décors :
    Je vais sourd à tout bruit,...

  • Brusque, avec un frisson
    De frayeur et de fièvre,
    On voit le petit lièvre
    S'échapper du buisson.
    Ni mouche ni pinson ;
    Ni pâtre avec sa chèvre,
    La chanson
    Sur la lèvre.

    Tremblant au moindre accroc,
    La barbe hérissée
    Et l'oreille...

  • Gisant à plat dans la pierraille,
    Veuve à jamais du pied humain,
    L'échelle, aux tons de parchemin,
    Pourrit au bas de la muraille.

    Jadis, beaux gars et belles filles,
    Poulettes, coqs, chats tigrés
    Montaient, obliques, ses degrés,
    La ronce à présent s'y...

  • Droits et longs, par les prés, de beaux fils de la Vierge
    Horizontalement tremblent aux arbrisseaux.
    La lumière et le vent vernissent les ruisseaux.
    Et du sol, çà et là, la violette émerge.

    Comme le ciel sans tache, incendiant d'azur
    Les grands lointains des bois...

  • Quand on arrive au Val des Ronces
    On l'inspecte, le coeur serré,
    Ce gouffre épineux, bigarré
    De rocs blancs qu'un torrent noir ponce.

    Partout, sous ce tas qui s'engonce,
    Guette un dard, toujours préparé,
    Qui, triangulaire, acéré,
    Si peu qu'il vous pique...