À prince prince et demi

II

L'empereur fait la guerre au roi.

Nous nous disions :
- Les guerres sont le seuil des révolutions. -
Nous pensions : - C'est la guerre. Oui, mais la guerre grande.
L'enfer veut un laurier ; la mort veut une offrande ;
Ces deux rois ont juré d'éteindre le soleil ;
Le sang du globe va couler, vaste et vermeil,
Et les hommes seront fauchés comme des herbes ;
Et les vainqueurs seront infâmes, mais superbes. -
Et nous qui voulons l'homme en paix, nous qui donnons
La terre à la charrue et non pas aux canons,
Tristes, mais fiers pourtant, nous disions : « France et Prusse !
Qu'importe ce Batave attaquant ce Borusse !
Laissons faire les rois ; ensuite Dieu viendra. »
Et nous rêvions le choc de Vishnou contre Indra,
Un avatar couvé par une apocalypse,
Le flamboiement trouant de toutes parts l'éclipse,
Nous rêvions les combats énormes de la nuit ;
Nous rêvions ces chaos de colère et de bruit
Où l'ouragan s'attaque à l'océan, où l'ange,
Etreint par le géant, lutte, et fait un mélange
Du sang céleste avec le sang noir du titan ;
Nous rêvions Apollon contre Léviathan ;
Nous nous imaginions l'ombre en pleine démence ;
Nous heurtions, dans l'horreur d'une querelle immense,
Rosbach contre Iéna, Rome contre Alaric,
Le grand Napoléon et le grand Frédéric ;
Nous croyions voir vers nous, en hâte, à tire-d'ailes,
Les victoires voler comme des hirondelles
Et, comme l'oiseau court à son nid, aller droit
A la France, au progrès, à la justice, au droit ;
Nous croyions assister au choc fatal des trônes,
A la sinistre mort des vieilles Babylones,
Au continent broyé, tué, ressuscité
Dans une éclosion d'aube et de liberté,
Et voir peut-être, après de monstrueux désastres,
Naître un monde à travers des écroulements d'astres !

Ainsi nous songions. - Soit, disions-nous, ce sera
Comme Arbelle, Actium, Trasimène et Zara,
Affreux, mais grandiose. Un gouffre avec sa pente,
Et l'univers tout près du bord, comme à Lépante,
Comme à Tolbiac, comme à Tyr, comme à Poitiers.
La Colère, la Force et la Nuit, noirs portiers,
Vont ouvrir devant nous la tombe toute grande.
Il faudra que le Sud ou le Nord y descende ;
Il faudra qu'une race ou l'autre tombe au fond
De l'abîme où les rois et les dieux se défont.
Et pensifs, croyant voir venir vers nous la gloire,
Les chocs comme en ont vu les hommes de la Loire,
Wagram tonnant, Leipsick magnifique et hideux,
Cyrus, Sennachérib, César, Frédéric Deux,
Nemrod, nous frémissions de ces sombres approches... -

Tout à coup nous sentons une main dans nos poches.

*

Il s'agit de ceci : Nous prendre notre argent.

Certe, on se disait bien : Bonaparte indigent
Fut un escroc, et doit avoir pour espérance
De voler l'Allemagne ayant volé la France ;
Il filouta le trône ; il est vil, fourbe et laid ;
C'est vrai ; mais nous faisions ce rêve qu'il allait
Rencontrer un vieux roi, fier de sa vieille race,
Ayant Dieu pour couronne et l'honneur pour cuirasse,
Et trouver devant lui, comme au temps des Dunois,
Un de ces paladins des antiques tournois
Dont on voit vaguement se modeler l'armure
Dans les nuages pleins d'aurore et de murmure.
O chute ! illusion ! changement de décor !
C'est le coup de sifflet et non le son du cor.
La nuit. Un hallier fauve où des sabres fourmillent.
Des canons de fusils entre les branches brillent ;
Cris dans l'ombre. Surprise, embuscade. Arrêtez !
Tout s'éclaire ; et le bois offre de tous côtés
Sa claire-voie où brille une lumière rouge.
Sus ! on casse la tête à tous si quelqu'un bouge.
La face contre terre et personne debout !
Et maintenant donnez votre argent - donnez tout.
Qu'il vous plaise ou non d'être à genoux dans la boue,
Qu'importe ! et l'on vous fouille, et l'on vous couche en joue.
Nous sommes dix contre un, tous armés jusqu'aux dents.
Et si vous résistez, vous êtes imprudents.
Obéissez ! Ces voix semblent sortir d'un antre.
Que faire ? on tend sa bourse, on se met à plat ventre,
Et pendant que, le front par terre, on se soumet,
On songe à ces pays que jadis on nommait
La Pologne, Francfort, la Hesse, le Hanovre.
C'est fait ! relevez-vous ! on se retrouve pauvre
En pleine Forêt-Noire, et nous reconnaissons,
Nous point initiés aux fauves trahisons,
Nous ignorants dans l'art de régner, nous profanes,
Que Cartouche faisait la guerre à Schinderhannes.

Collection: 
1822

More from Poet

  • Mivel ajkamhoz ért színültig teli kelyhed, és sápadt homlokom kezedben nyughatott, mivel beszívtam én nem egyszer drága lelked lehelletét, e mély homályú illatot, mivel titokzatos szived nekem kitárult, s olykor megadatott beszédét hallanom, mivel ott zokogott, mivel mosolyra lágyult szemed...

  • A lába csupaszon, a haja szétziláltan, kákasátorban ült, térdéig meztelen; azt hittem hirtelen, hogy tündérre találtam, s szóltam: A rétre, mondd, eljönnél-e velem? Szeméből rámsütött az a parázs tekintet, amely, ha enged is, szép és győztes marad, s szóltam: A szerelem hónapja hív ma minket,...

  • Olyan a szerelem, mint a gyöngyszemű harmat, amelytől fénylik a szirom, amelyből felszökik, kévéjében a napnak, szivárvány-szikra, miliom. Ne, ne hajolj reá, bárhogy vonz e merész láng, ez a vízcseppbe zárt, percnyi kis fényözön - mi távolabbról: mint a gyémánt, az közelebbről: mint a könny.

  • Pourquoi donc s'en est-il allé, le doux amour ?
    Ils viennent un moment nous faire un peu de jour,
    Puis partent. Ces enfants, que nous croyons les nôtres,
    Sont à quelqu'un qui n'est pas nous. Mais les deux autres,
    Tu ne les vois donc pas, vieillard ? Oui, je les vois,...

  • Puisque nos heures sont remplies
    De trouble et de calamités ;
    Puisque les choses que tu lies
    Se détachent de tous côtés ;

    Puisque nos pères et nos mères
    Sont allés où nous irons tous,
    Puisque des enfants, têtes chères,
    Se sont endormis avant nous ;...