À Olympio

 
O poëte ! courbé sur mon œuvre lyrique,
     Ambitieux du ciel,
Je veux savoir par moi la hauteur chimérique
     Où peut monter Babel.

 Je ferai fourmiller dans mes architectures,
     Tenace en mon dessein,
Le chœur éblouissant des mille créatures
     Qui vivent dans mon sein.

Je veux voir de mes yeux l'Olympe dont la neige
     Blanchit le front chenu,
Et les Grâces que suit Éros, riant cortège,
     Folâtrer le sein nu !

Comme dans les combats du superbe Encelade,
     Ardent comme un lion,
Si ce n'est point assez d'Ossa pour l'escalade,
     J'y mettrai Pélion.

J'irai jusques au ciel, dans ses voûtes profondes,
     Lui voler pour mes vers
Le rhythme qu'en dansant chantent en chœur les mondes
     Qui forment l'univers.

Je boirai le nectar de la force première,
     Et dans la main du dieu,
Impassible titan, chercheur de la lumière,
     J'irai voler le feu.

Alors, vous que j'ai faits et d'une fange vile
     Et de ce qui m'est cher,
Vous vivrez de ma vie, ô colosses d'argile,
     Et vous vous ferez chair !

Vous vivrez, ô mes fils ! et comme d'un jeune arbre
     On secouerait les fleurs,
Moi je ferai couler avec mon doigt de marbre
     Votre sang et vos pleurs.

Comme une floraison par le printemps hâtée,
     Par l'effort de mon bras
Tu sortiras du bloc, ô jeune Galatée !
     Et tu me souriras !

Moi-même dans tes yeux j'allumerai l'étoile
     D'or et de diamant,
Et, père enorgueilli, je te tiendrai sans voile
     Sous mes lèvres d'amant !

Car je me sens élu pour ton amour étrange
     Qui me cherche et me fuit.
J'ai le cœur de Jacob, et je puis avec l'Ange
     Lutter toute une nuit.

La Muse me sait fort, et m'est souvent prodigue
     De ses âpres baisers,
Qui font que l'impuissant décroise de fatigue
     Ses bras martyrisés.

Toi qu'elle aime, ô poëte, à qui la voix de l'Ode
     En ton berceau parlait !
Toi que, petit enfant, la fille d'Hésiode
     A nourri de son lait !

Victorieux lutteur, qui tiens en main la palme,
     Qui, déjà radieux,
Le front ceint de laurier, trônes dans le bleu calme
     Pareil aux demi-dieux !

Si je te parle ainsi de la Déesse, ô maître !
     C'est que dans ce moment,
A la face du ciel, toi seul et moi peut-être
     L'aimons sincèrement.

Collection: 
1843

More from Poet

Par le chemin des vers luisants,
De gais amis à l'âme fière
Passent aux bords de la rivière
Avec des filles de seize ans.
Beaux de tournure et de visage,
Ils ravissent le paysage
De leurs vêtements irisés
Comme de vertes demoiselles,
Et ce refrain...

Italie, Italie, ô terre où toutes choses
Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
Paradis où l'on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu'on pense à toi,...

A travers le bois fauve et radieux,
Récitant des vers sans qu'on les en prie,
Vont, couverts de pourpre et d'orfèvrerie,
Les Comédiens, rois et demi-dieux.

Hérode brandit son glaive odieux ;
Dans les oripeaux de la broderie,
Cléopâtre brille en jupe fleurie...

Grâces, ô vous que suit des yeux dans la nuit brune
Le pâtre qui vous voit, par les rayons de lune,
Bondir sur le tapis folâtre des gazons,
Dans votre vêtement de toutes les saisons !
Et toi qui fais pâmer les fleurs quand tu respires,
Fleur de neige, ô Cypris ! toi...

Eh bien ! mêle ta vie à la verte forêt !
Escalade la roche aux nobles altitudes.
Respire, et libre enfin des vieilles servitudes,
Fuis les regrets amers que ton coeur savourait.

Dès l'heure éblouissante où le matin paraît,
Marche au hasard ; gravis les sentiers les...