Non, « bistro » n’est pas une injure.
Et pour en décider tout court,
Je n’ai pas besoin, je te jure,
De réfléchir pendant huit jours.
En se servant de ce vocable,
Ô cabaretier ! crois-le bien,
Notre auteur était incapable
De vouloir te blesser en rien.
Du Panthéon jusqu’à Courcelles,
Bistro prévaut chez nos poilus ;
Et Monsieur Pierre Decourcelles
N’en a pas l’étrenne non plus.
Va, l’ami, mets ton vin en perce.
Sois tranquille, ce mot « bistro »
N’attaque toi ni ton commerce,
Pourquoi crier comme un blaireau ?
Je dis bistro comme je chante…
Comme je dirais cabaret…
Mais quoi ! le mot bistro m’enchante.
Je lui trouve un air guilleret,
« Mastroquet » depuis peu se range,
« Chand de vins » me semble commun
Et c’est bistro qui tout arrange.
Je dirai même que plus d’un
De tes confrères n’est pas digne
De ce noble nom de bistro,
Qui me fait du jus de la Vigne
On ne sait quelle orde et bistre eau.
Tandis toi, commerçant modèle,
Tu te fais sans doute un devoir
De n’offrir à ta clientèle
Que du vrai vin sur ton comptoir.
Sers-moi toujours du vin nature,
Au lieu de t’emporter, et non
Une bibine, une mixture,
Et je te promets du renom.
Si tu trouves blessant — j’y songe —
Bistro tout court, eh bien, mon gros.
Je puis y mettre une rallonge,
Et dire : Seigneur du Bistro !