« Ô France claire et gaie »

 
O France claire et gaie, amante au fier visage !
Toi qu’enivre, au milieu d’un riant paysage,
La chanson de Ronsard et de Victor Hugo,
Toi qui jettes aux cœurs un charmant quos ego !
Belle fille qui fuis, moqueuse, vers les saules,
Regarde… un tas de gueux, d’épouvantables drôles,
Taillés à coups de serpe, et s’échappant du bois
Où les dégrossissaient les horlogers badois,
Pense déjà sentir sous sa lèvre lippue
Frémir ta lèvre en fleur ! Cette race qui pue
L’usure et le vieux cuir, cet amas de croupiers,
Se masturbe en hurlant de luxure à tes pieds.
Leurs groins ont flairé les essences de roses
Que dégage ton corps. Ce sont de douces choses

Que cherche à te grogner leur patois allemand.
Vois-tu leurs madrigaux s’épater lourdement,
Et tomber les paquets de leurs grâces tudesques ?
Leur valse aux pieds pesants décrit des arabesques
Qui font songer parfois à des guirlandes d’ours.
Est-ce que tu pourrais accepter ces pandours,
Chère France ? Ton rire est ta seule réponse,
À peine ton sourcil légèrement se fronce
Devant ce ramassis de juifs et de laquais.
Quoi ! Ces barons bouffons, ces ducs que tu plaquais
Gaîment au premier plan de tes opéras bouffes,
Comme un tas de pourceaux échappés dans les touffes
De roses d’un jardin, se vautreraient sur toi !
Est-ce que c’est possible ? Est-ce que cette loi
Inéluctable qui fait luire sur le monde
Ta tête de faunesse, aventureuse et blonde,
Permettrait cet ignoble et sale accouplement ?
Allons donc ! Si jamais un butor allemand
T’approchait, ô Judith ! Souviens-toi d’Holopherne.
Sans te laisser souiller par son œil louche et terne,
Prends cette tête immonde, et de ta belle main,
Accroche-la, sanglante, au poteau du chemin !

28 septembre

Collection: 
1859

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