Vous de qui l'oeil est mon vainqueur ;
Belle qui causastes l'orage,
Qui soufla premier en mon coeur,
Les feux de l'Amoureuse rage.
Dans l'ardent brasier qui m'outrage,
Vous ne sçauriez plus me garder,
Si vous ne me donnez pour gage,
Ce que je n'ose demander.
Je ne souhaite le bonheur,
D'avoir un Empire en partage,
Ny les pompes de cet honneur,
A qui le Monde fait hommage.
Toutes les richesses du Tage
Je ne pretens pas posseder :
Et j'estimerois d'avantage,
Ce que je n'ose demander.
Comment puis-je voir la douceur,
Qu'Amour a peinte en ce Visage ?
Les feux de cet oeil ravisseur,
La grace de ce beau Corsage ?
Cette belle et divine Image,
A qui toute autre doit ceder ?
Sans desirer en mon courage,
Ce que je n'ose demander.
Mon respect, et vostre rigueur,
Retiennent ma langue trop sage :
Mais le mal causant ma langueur,
Par mes yeux a trouvé passage.
Ils vont pour mon coeur en message,
Et quand j'ose vous regarder,
Ils demandent en leur langage,
Ce que je n'ose demander.