J’ai vu l’ange de la prairie,
Au crépuscule, dans les fleurs,
Interrompant sa rêverie,
Entr’ouvrir ses yeux tout en pleurs.
Le vieux saule était sans murmure,
Dans les vagues clartés du jour,
Et l’eau du lac était moins pure,
Et nos cieux étaient sans amour.
J’écoutais la triste pensée,
Ce chant de mon ange Ariel,
Parmi les fleurs et la rosée
Éclos de son âme et du ciel.
« Qui réjouira ma vallée ?
» On m’a pris la reine des fleurs ;
» Au loin leur nymphe est exilée ;
» Rien ne console ma douleur. »
Oh ! dites-moi, mon cœur, qu’une si belle rose
Aux soleils étrangers ne peut s’épanouir,
Et que les premiers cieux dont elle était éclose
Auront seuls le secret de la voir refleurir !
Mais non ! j’en crois l’instinct de ma mélancolie :
Les amours d’ici-bas peuvent vivre de pleurs.
Oh ! vous qui l’emportez, allez, et qu’on m’oublie ;
Mais protégez toujours la reine de nos fleurs !