Pardonne-moi, Seigneur, tout saint, tout débonnaire,
Si j'ai par trop cédé à de mondains appâts.
Hélas ! je fais le mal, lequel je ne veux pas
Et ne fais pas le bien que je désire faire.
Mon esprit trop bouillant, guidé par ma jeunesse,
S'est laissé emporter après la vanité,
Au lieu de s'élever vers ta Divinité
Et admirer les faits de ta grande sagesse.
Ma langue qui devait publier ta puissance
Et l'honneur que de toi, je reçois tous les jours,
Est bègue quand il faut entrer en ces discours
Et prompte et babillarde après la médisance.
Mon oreille, Seigneur, n'est-elle pas coupable,
Qui devait écouter ta sainte vérité
Et y prendre plaisir : ingrate elle a été,
Sourde à ouïr ta voix et ouverte à la fable.
Que dirai-je, mon Dieu, de mes yeux infidèles,
Qui au lieu de jeter leur regard vers les cieux
D'où leur vient le salut, aveuglés aiment mieux
Les arrêter ici sur des beautés mortelles.
Mes mains ne font pas mieux, s'amusant à écrire,
Au lieu de ta louange, un discours inventé,
Lorsque jointes devraient prier ta Majesté
D'approcher ta pitié et reculer ton ire.
Alors qu'il faut aller écouter ta parole,
Mes pieds sont engourdis et vont le petit pas ;
Mais s'il faut aller voir quelques mondains ébats,
Au lieu de cheminer il semble que je vole.
Mon coeur est endormi en sa vaine pensée
Et ne médite pas au bien que tu lui fais.
Il te met en oubli ; mais où sont les parfaits
De qui ta Majesté n'ait été offensée ?
Mais reçois-moi, Seigneur, d'un oeil doux et propice,
Puisque je reconnais mes péchés devant toi.
Regarde à ton cher Fils, sacrifié pour moi,
Qui prenant mes péchés, me vêt de sa justice.