• Maître, il est beau ton Vers ; ciseleur sans pareil,
    Tu nous charmes toujours par ta grâce nouvelle,
    Parnassien enchanteur du pays du soleil,
    Notre langue frémit sous ta lyre si belle.

    Les Classiques sont morts ; le voici le réveil ;
    Grand Régénérateur, sous ta pure et vaste aile
    Toute une ère est groupée. En ton vers de vermeil
    Nous buvons ce poison...

  • Là, nous nous attardions aux nocturnes tombées,
    Cependant qu'alentour un vol de scarabées
    Nous éblouissait d'or sous les lueurs plombées,

    De grands chevaux de pourpre erraient, sanguinolents,
    Par les célestes turfs, et je tenais, tremblants,
    Tes doigts entre mes mains, comme un nid d'oiseaux blancs.

    Or, tous deux, souriant à l'étoile du soir,
    Nous...

  • Refoulons la sente
    Presque renaissante
    A notre ombre passante.

    Confabulons là
    Avec tout cela
    Qui fut de la villa.

    Parmi les voix tues
    Des vieilles statues
    Çà et là abattues.

    Dans le parc défunt
    Où rôde un parfum
    De soir blanc en soir brun...

  • Maints soirs nous errons dans le val
    Que vont drapant les heures grises.
    Des pleurs perlent ses yeux d'alises
    Quand elle ouït les Cydalises
    De ce dieu que fut de Nerval.

    Ah ! voudrait-elle en long vol d'or
    Les rejoindre dans des domaines
    Plus vastes que les cours romaines
    Où par d'éternelles semaines
    La coupe de Volupté dort,

    Ou...

  • Ils défilent au chant étouffé des sandales,
    Le chef bas, égrenant de massifs chapelets,
    Et le soir qui s'en vient, du sang de ses reflets
    Mordore la splendeur funéraire des dalles.

    Ils s'effacent soudain, comme en de noirs dédales,
    Au fond des corridors plein de pourpres relais
    Où de grands anges peints aux vitraux verdelets
    Interdisent l'entrée...

  • Fais, au blanc frisson de tes doigts,
    Gémir encore, ô ma maîtresse !
    Cette marche dont la caresse
    Jadis extasia les rois.

    Sous les lustres aux prismes froids,
    Donne à ce coeur sa morne ivresse,
    Aux soirs de funèbre paresse
    Coulés dans ton boudoir hongrois.

    Que ton piano vibre et pleure,
    Et que j'oublie avec toi l'heure
    Dans un Eden...

  • Mon âme a la candeur d'une chose étiolée,
    D'une neige de février...
    Ah ! retournons au seuil de l'Enfance en allée,
    Viens-t-en prier...

    Ma chère, joins tes doigts et pleure et rêve et prie,
    Comme tu faisais autrefois
    Lorsqu'en ma chambre, aux soirs, vers la Vierge fleurie
    Montait ta voix.

    Ah ! la fatalité d'être une âme candide
    ...

  • L'aube éclabousse les monts de sang
    Tout drapés de fine brume,

    Et l'on entend meugler frémissant
    Un boeuf au naseau qui fume.

    Voici l'heure de la boucherie.
    Le tenant par son licol,

    Les gars pour la prochaine tuerie
    Ont mis le mouchoir au col.

    La hache s'abat avec tel han,
    Qu'ils pausent contre habitude.

    Procumbit...

  • Ah! comme la neige a neigé!
    Ma vitre est un jardin de givre.
    Ah! comme la neige a neigé!
    Qu'est-ce que le spasme de vivre
    A la douleur que j'ai, que j'ai.

    Tous les étangs gisent gelés,
    Mon âme est noire! Où-vis-je? où vais-je?
    Tous ses espoirs gisent gelés:
    Je suis la nouvelle Norvège
    D'où les blonds ciels s'en sont allés.
    Pleurez,...

  • Nous étions là deux enfants blêmes
    Devant les grands autels à franges,
    Où Sainte Marie et ses anges
    Riaient parmi les chrysanthèmes.

    Le soir poudrait dans la nef vide ;
    Et son rayon à flèche jaune,
    Dans sa rigidité d'icone
    Effleurait le grand Saint livide.

    Nous étions là deux enfants tristes
    Buvant la paix du sanctuaire,
    ...