• Non, non, je m'en dédis, je suis tien, ma maîtresse,
    Je suis tien, je le suis et le serai toujours.
    Jusqu'à ce que la mort aura borné mes jours,
    Et même après la mort, si l'amour ne nous laisse.

    J'ai mille fois juré, fâché de ta rudesse,
    De couper le chemin à mes longues amours :
    Mais toujours mon désir ressort tout au rebours,
    Et tant que je te fuis,...

  • Sonnet

    Avoir une maison commode, propre et belle,
    Un jardin tapissé d'espaliers odorans,
    Des fruits, d'excellent vin, peu de train, peu d'enfans,
    Posseder seul sans bruit une femme fidèle,

    N'avoir dettes, amour, ni procès, ni querelle,
    Ni de partage à faire avecque ses parens,
    Se contenter de peu, n'espérer rien des Grands,
    Régler tous...

  • (fragment)

    Ô tristesse ! ô regrets ! ô jours de mon enfance,
    Hélas ! un sort plus doux m'était alors promis.
    Né dans ces beaux climats et sous les cieux amis
    Qu'au sein des mers de l'Inde embrase le tropique,
    Elevé dans l'orgueil du luxe asiatique,
    La pourpre, le satin, ces cotons précieux
    Que lave aux bords du Gange un peuple industrieux,
    ...

  • Philis, qu'est devenu ce temps
    Où, dans un fiacre promenée,
    Sans laquais, sans ajustements,
    De tes grâces seules ornée,
    Contente d'un mauvais soupé
    Que tu changeais en ambroisie,
    Tu te livrais, dans ta folie,
    A l'amant heureux et trompé
    Qui t'avait consacré sa vie ?
    Le ciel ne te donnait alors,
    Pour tout rang et pour tous trésors,
    Que...

  • Hé quoi ! vous êtes étonnée
    Qu'au bout de quatre-vingts hivers,
    Ma Muse faible et surannée
    Puisse encor fredonner des vers ?

    Quelquefois un peu de verdure
    Rit sous les glaçons de nos champs ;
    Elle console la nature,
    Mais elle sèche en peu de temps.

    Un oiseau peut se faire entendre
    Après la saison des beaux jours ;
    Mais sa voix n'a...

  • Il n'est mortel qui ne forme des voeux :
    L'un de Voisin convoite la puissance ;
    L'autre voudrait engloutir la finance
    Qu'accumula le beau-père d'Évreux.

    Vers les quinze ans, un mignon de couchette
    Demande à Dieu ce visage imposteur,
    Minois friand, cuisse ronde et douillette
    Du beau de Gesvre, ami du promoteur.

    Roy versifie, et veut...

  • D'où vient que ce nom de Fréron
    Est l'emblème du ridicule ?
    Si quelque maître Aliboron,
    Sans esprit comme sans scrupule,
    Brave les moeurs et la raison ;
    Si de Zoïle et de Chausson
    Il se montre le digne émule,
    Les enfants disent : " C'est Fréron. "

    Sitôt qu'un libelle imbécile
    Croqué par quelque polisson
    Court dans les cafés de la ville...

  • Croyez qu'un vieillard cacochyme,
    Chargé de soixante et douze ans,
    Doit mettre, s'il a quelque sens,
    Son âme et son corps au régime.
    Dieu fit la douce Illusion
    Pour les heureux fous du bel âge ;
    Pour les vieux fous l'ambition,
    Et la retraite pour le sage.
    Vous me direz qu'Anacréon,
    Que Chaulieu même, et Saint-Aulaire,
    Tiraient encor...

  • Lorsque ce grand courrier de la philosophie,
    Condamine l'observateur,
    De l'Afrique au Pérou conduit par Uranie,
    Par la gloire, et par la manie,
    S'en va griller sous l'équateur,
    Maupertuis et Clairaut, dans leur docte fureur,
    Vont geler au pôle du monde.
    Je les vois d'un degré mesurer la longueur,
    Pour ôter au peuple rimeur
    Ce beau nom de machine...

  • Certain cafard, jadis jésuite,
    Plat écrivain, depuis deux jours
    Ose gloser sur ma conduite,
    Sur mes vers, et sur mes amours :
    En bon chrétien je lui fais grâce,
    Chaque pédant peut critiquer mes vers ;
    Mais sur l'amour jamais un fils d'Ignace
    Ne glosera que de travers.