• Sur les abymes creux des fondements poser
    De la terre pesante, immobile et féconde,
    Semer d'astres le Ciel, d'un mot créer le monde,
    La mer, les vents, la foudre à son gré maîtriser.

    De contrariétez tant d'accords composer,
    La matière difforme orner de forme ronde,
    Et par ta prévoyance en merveilles profonde,
    Voir tout, conduire tout, et de tout...

  • Cependant que l'honnêteté
    Retenait ta jeune beauté
    Empreinte au plus vif de mon âme,
    Quand je sentais brûler mon coeur,
    Je me plaisais en ma langueur,
    Et nommais heureuse ma flamme.

    Les filets de tes blonds cheveux,
    Primes, frisés, retors en noeuds,
    De cent mille façons nouvelles
    Serraient tellement mes esprits
    Que jamais je n'...

  • Amour, tu es aveugle et d'esprit et de vue,
    De ne voir pas comment ta force diminue,
    Ton empire se perd, tu révoltes les tiens,
    Faute de ne chasser une infernale peste
    Qui fait que tout le monde à bon droit te déteste,
    Pour ne pouvoir jouir sûrement de tes biens.

    C'est de ton doux repos la mortelle ennemie,
    C'est une mort cruelle au milieu de la...

  • Enfin, l'Amour cruel à tel point m'a rangé
    Que ma triste dépouille en cendre est convertie,
    Et votre cruauté ne s'est onc amortie,
    Que mon coeur par le feu n'ait été saccagé.

    Au moins pour le loyer de m'avoir outragé,
    Faites ainsi que fit la reine de Carie,
    Non par amour comme elle, ains pleine de furie,
    Buvez le peu de cendre en quoi je suis...

  • Quand quelquefois je pense à ma première vie
    Du temps que je vivais seul roi de mon désir,
    Et que mon âme libre errait à son plaisir,
    Franche d'espoir, de crainte, et d'amoureuse envie :

    Je verse de mes yeux une angoisseuse pluie,
    Et sens qu'un fier regret mon esprit vient saisir,
    Maudissant le destin qui m'a fait vous choisir,
    Pour rendre à tant...

  • Somme, doux repos de nos yeux.
    Aimé des hommes et des dieux,
    Fils de la Nuit et du Silence,
    Qui peux les esprits délier,
    Qui fais les soucis oublier,
    Endormant toute violence.

    Approche, ô Sommeil désiré !
    Las ! c'est trop longtemps demeuré :
    La nuit est à demi passée,
    Et je suis encore attendant
    Que tu chasses le soin mordant,
    Hôte...

  • Quand je pouvais me plaindre en l'amoureux tourment,
    Donnant air à la flamme en ma poitrine enclose,
    Je vivais trop heureux ; las ! maintenant je n'ose
    Alléger ma douleur d'un soupir seulement.

    C'est me poursuivre, Amour, trop rigoureusement !
    J'aime, et je suis contraint de feindre une autre chose,
    Au fort de mes travaux je dis que je repose,
    Et montre...

  • Chaste soeur d'Apollon dont je suis éclairé
    Le jour comme la nuit, déité redoutable
    Que la force d'Amour a connue indomptable,
    Amour des autres dieux tant craint et révéré,

    Vois ce pauvre Actéon sans pitié dévoré
    Par ses propres pensers d'une rage incroyable,
    Pour avoir offensé d'erreur trop excusable,
    Si le feu de ta haine était plus modéré.
    ...

  • Je ne refuse point qu'en si belle jeunesse
    De mille et mille amants vous soyez la maîtresse,
    Que vous n'aimiez partout, et que, sans perdre temps,
    Des plus douces faveurs ne les rendiez contents :
    La beauté florissante est trop soudain séchée
    Pour s'en ôter l'usage, et la tenir cachée.
    Mais je crève de rage et supporte au-dedans
    Des glaçons trop serrés...

  • Sommeil, paisible fils de la Nuit solitaire,
    Père alme, nourricier de tous les animaux,
    Enchanteur gracieux, doux oubli de nos maux,
    Et des esprits blessés l'appareil salutaire :

    Dieu favorable à tous, pourquoi m'es-tu contraire ?
    Pourquoi suis-je tout seul rechargé de travaux,
    Or que l'humide nuit guide ses noirs chevaux,
    Et que chacun jouit de ta...