• Carthame chatoyant, cinabre,
    Colcothar, orpiment,
    Vous dont j'ai goûté l'ornement
    Sur la rive cantabre :

    Orpiment, dont l'éclat soyeux
    Le soleil qui reflète ;
    Cocothar, tendre violette
    Eclose dans ses yeux ;

    Fleur de cinabre, étroite et rare,
    Secret d'un beau jardin ;
    Carthame et toi, rose soudain,
    Dont sa pudeur se pare......

  • Saigon : entre un ciel d'escarboucle
    Et les flots incertains,
    Du bruit, des gens de fièvre teints ;
    Sur le sanglant carboucle.

    Et, seule où l'oeil se recréât,
    Pendait au toit d'un bouge
    L'améthyste, dans tout ce rouge,
    D'un bougainvilléa :

    Tel aujourd'hui, sous la voilette,
    Calice double et frais,
    Mon regard vous boit à longs...

  • Il pleuvait. Les tristes étoiles
    Semblaient pleurer d'ennui.
    Comme une épée, à la minuit,
    Tu sautas hors des toiles.

    - Minuit ! Trouverai-je une auto,
    Par ce temps ? Et le pire,
    C'est mon mari. Que va-t-il dire,
    Lui qui rentre si tôt ?

    - Et s'il vous voyait sans chemise,
    Vous, toute sa moitié ?
    - Ne jouez donc pas la pitié.
    -...

  • C'était, dans les vapeurs du nard,
    Un cri, des jeux infâmes,
    Et ces yeux fatals qu'ont les femmes
    Du cruel Fragonard.

    Parfois, pour ranimer l'orgie,
    Brillait un sang nouveau.
    Bacchus, rose comme le veau,
    Cuvait sa nostalgie.

    Cet air des 'Brigands' l'attristait.
    Il voulait qu'on s'en aille.
    Une voix se tut. La canaille
    Dansait...

  • Sur l'océan couleur de fer
    Pleurait un choeur immense
    Et ces longs cris dont la démence
    Semble percer l'enfer.

    Et pais la mort, et le silence
    Montant comme un mur noir.
    ? Parfois au loin se laissait voir
    Un feu qui se balance.

  • A l'Alcazar neuf, où don Jayme
    Gratte un air maugrabin,
    Carmen dansant dans son lubin :
    Ce n'est pas ce que j'aime.

    Mais, à Triana, la liqueur
    D'une grappe où l'aurore
    Laissa des pleurs si froids encore
    Qu'ils m'ont glacé le coeur.

  • Dessous la courtine mouillée
    Du matin soucieux,
    Tu balances, harmonieux,
    Ta branche dépouillée,

    Beau peuplier qui de l'été
    Fais voir encor la grâce
    Pourquoi l'âge a-t-il sur ma face
    Aboli ma fierté ?

  • Ainsi, ce chemin de nuage,
    Vous ne le prendrez point,
    D'où j'ai vu me sourire au loin
    Votre brillant mirage ?

    Le soir d'or sur les étangs bleus
    D'une étrange savane,
    Où pleut la fleur de frangipane,
    N'éblouira vos yeux ;

    Ni les feux de la luciole
    Dans cette épaisse nuit
    Que tout à coup perce l'ennui
    D'un tigre qui miaule.

  • Industrieux fils de Dédale
    Qui ressuscitez dans Paris -
    Pourquoi, j'y entrave que dale -
    Tant de singes en vain péris ;
    Et de quoi sert que Dieu les tue
    Si vous nous fichez leur statue ?
    Il faut vivre, se faire un nom.
    - Eh ! Qui de savoir s'évertue,
    Par la racine ou non,
    Comment vous mangez la laitue.

  • Tandis qu'à l'argile au flanc vert,
    Dessus ton front haussée,
    Perlait le pleur d'une eau glacée,
    Les dailleurs, à couvert :

    " Enfant, riait leur voix lointaine,
    Voilà temps que tu bois.
    Si Monsieur Paul est dans le bois,
    Avise à la fontaine.

    " Mais avise aussi de briser
    Ta cruche en tournant vite.
    Ah, que dirait ta mère. Evite
    ...