• Souvent, lorsque la main sur les yeux je médite,
    Elle m'apparaît, svelte et la tête petite,
    Avec ses blonds cheveux coupés courts sur le front.
    Trouverai-je jamais des mots qui la peindront,
    La chère vision que malgré moi j'ai fuie ?
    Qu'est auprès de son teint la rose après la pluie ?
    Peut-on comparer même au chant du bengali
    Son exotique accent, si clair et...

  • Dans les nuits d'automne, errant par la ville,
    Je regarde au ciel avec mon désir,
    Car si, dans le temps qu'une étoile file,
    On forme un souhait, il doit s'accomplir.

    Enfant, mes souhaits sont toujours les mêmes :
    Quand un astre tombe, alors, plein d'émoi,
    Je fais de grands voeux afin que tu m'aimes
    Et qu'en ton exil tu penses à moi.

    A cette...

  • Dans cette vie ou nous ne sommes
    Que pour un temps si tôt fini,
    L'instinct des oiseaux et des hommes
    Sera toujours de faire un nid ;

    Et d'un peu de paille ou d'argile
    Tous veulent se construire, un jour,
    Un humble toit, chaud et fragile,
    Pour la famille et pour l'amour.

    Par les yeux d'une fille d'Ève
    Mon coeur profondément touché...

  • Captif de l'hiver dans ma chambre
    Et las de tant d'espoirs menteurs,
    Je vois dans un ciel de novembre,
    Partir les derniers migrateurs.

    Ils souffrent bien sous cette pluie ;
    Mais, au pays ensoleillé,
    Je songe qu'un rayon essuie
    Et réchauffe l'oiseau mouillé.

    Mon âme est comme une fauvette
    Triste sous un ciel pluvieux ;
    Le soleil...

  • Songes-tu parfois, bien-aimée,
    Assise près du foyer clair,
    Lorsque sous la porte fermée
    Gémit la bise de l'hiver,

    Qu'après cette automne clémente,
    Les oiseaux, cher peuple étourdi,
    Trop tard, par un jour de tourmente,
    Ont pris leur vol vers le Midi ;

    Que leurs ailes, blanches de givre,
    Sont lasses d'avoir voyagé ;
    Que sur le...

  • Champêtres et lointains quartiers, je vous préfère
    Sans doute par les nuits d'été, quand l'atmosphère
    S'emplit de l'odeur forte et tiède des jardins ;
    Mais j'aime aussi vos bals en plein vent d'où, soudains,
    S'échappent les éclats de rire à pleine bouche,
    Les polkas, le hochet des cruchons qu'on débouche,
    Les gros verres trinquant sur les tables de bois,
    Et,...

  • J'écris près de la lampe. Il fait bon. Rien ne bouge.
    Toute petite, en noir, dans le grand fauteuil rouge,
    Tranquille auprès du feu, ma vieille mère est là ;
    Elle songe sans doute au mal qui m'exila
    Loin d'elle, l'autre hiver, mais sans trop d'épouvante,
    Car je suis sage et reste au logis, quand il vente.
    Et puis, se souvenant qu'en octobre la nuit
    Peut...

  • O poète trop prompt à te laisser charmer,
    Si cette douce enfant devait t'être ravie,
    Et si ce coeur en qui tout le tien se confie
    Ne pouvait pas pour toi frémir et s'animer ?

    N'importe ! ses yeux seuls ont su faire germer
    Dans mon âme si lasse et de tout assouvie
    L'amour qui rajeunit, console et purifie,
    Et je devrais encor la bénir et l'aimer.
    ...

  • Dans les jardins d'hiver des fleuristes bizarres
    Sèment furtivement des végétaux haineux,
    Dont les tiges bientôt grouillent comme les noeuds
    Des serpents assoupis aux bords boueux des mares.

    Leurs redoutables fleurs, magnifiques et rares,
    Où coulent de très lourds parfums vertigineux,
    Ouvrent avec orgueil leurs vases vénéneux.
    La mort s'épanouit...

  • L'énorme capitale est un fruit douloureux.
    Son écorce effondrée et ses pulpes trop mûres
    Teignent opulemment leurs riches pourritures
    D'ors verts, de violets, et de roux phosphoreux.

    Lâchant un jus épais, douceâtre et cancéreux,
    Ses spongieuses chairs fondent sous les morsures,
    Et ses poisons pensifs font germer les luxures
    Et les péchés malsains...