• Triste exilé, qu'il te souvienne
    Combien l'avenir était beau,
    Quand sa main tremblait dans la tienne
    Comme un oiseau,

    Et combien ton âme était pleine
    D'une bonne et douce chaleur,
    Quand tu respirais son haleine
    Comme une fleur !

    Mais elle est loin, la chère idole,
    Et tout s'assombrit de nouveau ;
    Tu sais qu'un souvenir s'envole...

  • À Emmanuel des Essarts.

    Marquise, vous souvenez-vous
    Du menuet que nous dansâmes ?
    Il était discret, noble et doux,
    Comme l'accord de nos deux âmes.

    Aux bocages le chalumeau
    À ces notes pures et lentes ;
    C'était un air du grand Rameau,
    Un vieil air des Indes galantes.

    Triomphante, vous surpreniez
    Tous les coeurs et tous les...

  • Il a neigé la veille et, tout le jour, il gèle.
    Le toit, les ornements de fer et la margelle
    Du puits, le haut des murs, les balcons, le vieux banc,
    Sont comme ouatés, et, dans le jardin, tout est blanc.
    Le grésil a figé la nature, et les branches
    Sur un doux ciel perlé dressent leurs gerbes blanches.
    Mais regardez. Voici le coucher de soleil.
    À l'occident...

  • De même que Rousseau jadis fondait en pleurs
    À ces seuls mots : « Voilà de la pervenche en fleurs, »
    Je sais tout le plaisir qu'un souvenir peut faire.
    Un rien, l'heure qu'il est, l'état de l'atmosphère,
    Un battement de coeur, un parfum retrouvé,
    Me rendent un bonheur autrefois éprouvé.
    C'est fugitif, pourtant la minute est exquise.
    Et c'est pourquoi je suis...

  • Elle nous proposa ses fleurs d'une voix douce,
    Et souriant avec ce sourire qui tousse.
    Et c'était monstrueux, cette enfant de sept ans
    Qui mourait de l'hiver en offrant le printemps.
    Ses pauvres petits doigts étaient pleins d'engelures.
    Moi je sentais le fin parfum de tes fourrures,
    Je voyais ton cou rose et blanc sous la fanchon,
    Et je touchais ta...

  • Mai

    Depuis un mois, chère exilée,
    Loin de mes yeux tu t'en allas,
    Et j'ai vu fleurir les lilas
    Avec ma peine inconsolée.

    Seul, je fuis ce ciel clair et beau
    Dont l'ardente effluve me trouble,
    Car l'horreur de l'exil se double
    De la splendeur du renouveau.

    En vain j'entends contre les vitres,
    Dans la chambre où je m'enfermai,
    Les...

  • Enfant blonde aux doux yeux, ô rose de Norvège,
    Qu'un jour j'ai rencontrée aux bords du bleu Léman,
    Cygne pur émigré de ton climat de neige !

    Je t'ai vue et je t'aime ainsi qu'en un roman,
    Je t'aime et suis heureux comme si quelque fée
    Venait de me toucher avec un talisman.

    Quand tu parus, naïve et d'or vivant coiffée,
    J'ai senti qu'un espoir...

  • Lorsqu'un homme n'a pas d'amour,
    Rien du printemps ne l'intéresse ;
    Il voit même sans allégresse,
    Hirondelles, votre retour ;

    Et, devant vos troupes légères
    Qui traversent le ciel du soir,
    Il songe que d'aucun espoir
    Vous n'êtes pour lui messagères.

    Chez moi ce spleen a trop duré,
    Et quand je voyais dans les nues
    Les...

  • Mais je l'ai vu si peu ! disiez-vous l'autre jour.
    Et moi, vous ai-je vue en effet davantage ?
    En un moment mon coeur s'est donné sans partage.
    Ne pouvez-vous ainsi m'aimer à votre tour ?

    Pour monter d'un coup d'aile au sommet de la tour,
    Pour emplir de clartés l'horizon noir d'orage,
    Et pour nous enchanter de son puissant mirage,
    Quel temps faut-il...

  • La rue était déserte et donnait sur les champs.
    Quand j'allais voir l'été les beaux soleils couchants
    Avec le rêve aimé qui partout m'accompagne,
    Je la suivais toujours pour gagner la campagne,
    Et j'avais remarqué que, dans une maison
    Qui fait l'angle et qui tient, ainsi qu'une prison,
    Fermée au vent du soir son étroite persienne,
    Toujours à la même...