• Ce serait sur les bords de la Seine. Je vois
    Notre chalet, voilé par un bouquet de bois.
    Un hamac au jardin, un bateau sur le fleuve.
    Pas d'autre compagnon qu'un chien de Terre-Neuve
    Qu'elle aimerait et dont je serais bien jaloux.
    Des faïences à fleurs pendraient après des clous ;
    Puis beaucoup de chapeaux de paille et des ombrelles.
    Sous leurs papiers...

  • Chère âme, si l'on voit que vous plaignez tout bas
    Le chagrin du poète exilé qui vous aime,
    On raillera ma peine, et l'on vous dira même
    Que l'amour fait souffrir, mais que l'on n'en meurt pas.

    Ainsi qu'un mutilé qui survit aux combats,
    L'amant désespéré qui s'en va, morne et blême,
    Loin des hommes qu'il fuit et de Dieu qu'il blasphème,
    N'aimerait-il...

  • A Paris, en été, les soirs sont étouffants.
    Et moi, noir promeneur qu'évitent les enfants,
    Qui fuis la joie et fais, en flânant, bien des lieues,
    Je m'en vais, ces jours-là, vers les tristes banlieues.
    Je prends quelque ruelle où pousse le gazon
    Et dont un mur tournant est le seul horizon.
    Je me plais dans ces lieux déserts où le pied sonne,
    Où je suis...

  • Sur le terrain de foire, au grand soleil brûlé,
    Le cirque des chevaux de bois s'est ébranlé
    Et l'orgue attaque l'air connu : " Tant mieux pour elle ! "
    Mais la brune grisette a fermé son ombrelle,
    Et, bien en selle, avec un petit air vainqueur,
    Elle va se payer deux sous de mal de coeur.
    Elle rit, car déjà le mouvement rapide
    Colle ses frisons noirs sur son...

  • Je suis un pâle enfant du vieux Paris, et j'ai
    Le regret des rêveurs qui n'ont pas voyagé.
    Au pays bleu mon âme en vain se réfugie,
    Elle n'a jamais pu perdre la nostalgie
    Des verts chemins qui vont là-bas, à l'horizon.
    Comme un pauvre captif vieilli dans sa prison
    Se cramponne aux barreaux étroits de sa fenêtre
    Pour voir mourir le jour et pour le voir...

  • Le soir, au coin du feu, j'ai pensé bien des fois
    À la mort d'un oiseau, quelque part, dans les bois.
    Pendant les tristes jours de l'hiver monotone,
    Les pauvres nids déserts, les nids qu'on abandonne,
    Se balancent au vent sur un ciel gris de fer.
    Oh ! comme les oiseaux doivent mourir l'hiver !
    Pourtant, lorsque viendra le temps des violettes,
    Nous ne...

  • J'adore la banlieue avec ses champs en friche
    Et ses vieux murs lépreux, où quelque ancienne affiche
    Me parle de quartiers dès longtemps démolis.
    Ô vanité ! Le nom du marchand que j'y lis
    Doit orner un tombeau dans le Père-Lachaise.
    Je m'attarde. Il n'est rien ici qui ne me plaise,
    Même les pissenlits frissonnant dans un coin.
    Et puis, pour regagner les...

  • Tenez, lecteur ! - souvent, tout seul, je me promène
    Au lieu qui fut jadis la barrière du Maine.
    C'est laid, surtout depuis le siège de Paris.
    On a planté d'affreux arbustes rabougris
    Sur ces longs boulevards où naguère des ormes
    De deux cents ans croisaient leurs ramures énormes.
    Le mur d'octroi n'est plus ; le quartier se bâtit.
    Mais c'est là que...

  • Espiègle ! j'ai bien vu tout ce que vous faisiez,
    Ce matin, dans le champ planté de cerisiers
    Où seule vous étiez, nu-tête, en robe blanche.
    Caché par le taillis, j'observais. Une branche,
    Lourde sous les fruits mûrs, vous barrait le chemin
    Et se trouvait à la hauteur de votre main.
    Or, vous avez cueilli des cerises vermeilles,
    Coquette ! et les avez mises à...

  • Dans le faubourg qui monte au cimetière,
    Passant rêveur, j'ai souvent observé
    Les croix de bois et les tombeaux de pierre
    Attendant là qu'un nom y fût gravé.

    Tu m'es ravie, enfant, et la nuit tombe
    Dans ma pauvre âme où l'espoir s'amoindrit ;
    Mais sur mon coeur, comme sur une tombe,
    C'est pour toujours que ton nom est écrit.