• Ô Dieu, si mes péchés irritent ta fureur,
    Contrit, morne et dolent, j'espère en ta clémence.
    Si mon deuil ne suffit à purger mon offense,
    Que ta grâce y supplée et serve à mon erreur.

    Mes esprits éperdus frissonnent de terreur,
    Et, ne voyant salut que par la pénitence,
    Mon coeur, comme mes yeux, s'ouvre à la repentance,
    Et me hais tellement que je m'en...

  • Quand sur moi je jette les yeux,
    À trente ans me voyant tout vieux,
    Mon coeur de frayeur diminue :
    Étant vieilli dans un moment,
    Je ne puis dire seulement
    Que ma jeunesse est devenue.

    Du berceau courant au cercueil,
    Le jour se dérobe à mon oeil,
    Mes sens troublés s'évanouissent.
    Les hommes sont comme des fleurs
    Qui naissent et...

  • Souvent un grand désir de choses inconnues,
    D'enlever mon essor aussi haut que les nues,
    De ressaisir dans l'air des sons évanouis,
    D'entendre, de chanter mille chants inouïs,
    Me prend à mon réveil ; et voilà ma pensée
    Qui, soudain rejetant l'étude commencée,
    Et du grave travail, la veille interrompu,
    Détournant le regard comme un enfant repu,
    ...

  • Que de fois, près d'Oxford, en ce vallon charmant,
    Ou l'on voit fuir sans fin des collines boisées
    Des bruyères couper des plaines arrosées,
    La rivière qui passe et le vivier dormant,

    Pauvre étranger d'hier, venu pour un moment,
    J'ai reconnu, parmi les maisons ardoisées,
    Le riant presbytère et ses vertes croisées,
    Et j'ai dit en mon coeur : Vivre ici...

  • J'ai fait le tour des choses de la vie ;
    J'ai bien erré dans le monde de l'art ;
    Cherchant le beau, j'ai poussé le hasard:
    Dans mes efforts la grâce s'est enfuie !

    A bien des coeurs où la joie est ravie,
    J'ai demandé du bonheur, mais trop tard !
    A maint orage, éclos sous un regard,
    J'ai dit : Renais, ô flamme évanouie !

    Et j'ai trouvé, bien...

  • Laissez-moi ! tout a fui. Le printemps recommence ;
    L'été s'anime, et le désir a lui ;
    Les sillons et les coeurs agitent leur semence.
    Laissez-moi ! tout a fui.

    Laissez-moi ! dans nos champs, les roches solitaires,
    Les bois épais appellent mon ennui.
    Je veux, au bord des lacs, méditer leurs mystères,
    Et comment tout m'a fui.

    Laissez-moi m'...

  • pour un ami qui publiait une édition de ce poète

    A toi, Ronsard, à toi, qu'un sort injurieux
    Depuis deux siècles livre aux mépris de l'histoire,
    J'élève de mes mains l'autel expiatoire
    Qui te purifiera d'un arrêt odieux.

    Non que j'espère encore, au trône radieux
    D'où jadis tu régnais, replacer ta mémoire ;
    Tu ne peux de si bas remonter à la...

  • Enfant, je m'étais dit et souvent répété :
    " Jamais, jamais d'amour ; c'est assez de la gloire ;
    En des siècles sans nombre étendons ma mémoire,
    Et semons ici-bas pour l'immortalité. "

    Plus tard je me disais : " Amour et volupté,
    Allez, et gloire aussi ! que m'importe l'histoire ?
    Fantôme au laurier d'or, vierges au cou d'ivoire,
    Je vous fuis pour l'...

  • Les dimanches d'été, le soir, vers les six heures,
    Quand le peuple empressé déserte ses demeures
    Et va s'ébattre aux champs,
    Ma persienne fermée, assis à ma fenêtre,
    Je regarde d'en haut passer et disparaître
    Joyeux bourgeois, marchands,

    Ouvriers en habits de fête, au coeur plein d'aise ;
    Un livre est entr'ouvert près de moi, sur ma chaise :
    Je...

  • J'étais un arbre en fleur où chantait ma Jeunesse,
    Jeunesse, oiseau charmant, mais trop vite envolé,
    Et même, avant de fuir du bel arbre effeuillé,
    Il avait tant chanté qu'il se plaignait sans cesse.

    Mais sa plainte était douce, et telle en sa tristesse
    Qu'à défaut de témoins et de groupe assemblé,
    Le buisson attentif avec l'écho troublé
    Et le...