• A Éva

    I

    Si l'Orgueil prend ton coeur quand le Peuple me nomme,
    Que de mes livres seuls te vienne ta fierté.
    J'ai mis sur le cimier doré du Gentilhomme
    Une plume de fer qui n'est pas sans beauté.
    J'ai fait illustre un nom qu'on m'a transmis sans gloire.
    Qu'il soit ancien, qu'importe ? - Il n'aura de mémoire
    Que du jour seulement où mon...

  • Poésie ! ô trésor ! perle de la pensée !
    Les tumultes du coeur, comme ceux de la mer,
    Ne sauraient empêcher ta robe nuancée
    D'amasser les couleurs qui doivent te former.
    Mais sitôt qu'il te voit briller sur un front mâle,
    Troublé de ta lueur mystérieuse et pâle,
    Le vulgaire effrayé commence à blasphémer.

    Le pur enthousiasme est craint des faibles âmes...

  • Suivi du Suicide impie,
    A travers les pâles cités,
    Le Malheur rôde, il nous épie,
    Prés de nos seuils épouvantés.
    Alors il demande sa proie ;
    La jeunesse, au sein de la joie,
    L'entend, soupire et se flétrit ;
    Comme au temps où la feuille tombe,
    Le vieillard descend dans la tombe,
    Privé du feu qui le nourrit.

    Où fuir ? Sur le seuil de ma...

  • Etaient-ils malheureux, Esprits qui le savez !
    Dans les trois derniers jours qu'ils s'étaient réservés ?
    Vous les vîtes partir tous deux, l'un jeune et grave,
    L'autre joyeuse et jeune. Insouciante esclave,
    Suspendue au bras droit de son rêveur amant,
    Comme à l'autel un vase attaché mollement,
    Balancée en marchant sur sa flexible épaule
    Comme la harpe juive à...

  • I

    Un jour je vis s'asseoir au pied de ce grand arbre
    Un Pauvre qui posa sur ce vieux banc de marbre
    Son sac et son chapeau, s'empressa d'achever
    Uu morceau de pain noir, puis se mit à rêver.
    Il paraissait chercher dans les ongues allées
    Quelqu'un pour écouter ses chansons désolées ;
    Il suivait à regret la trace des passants
    Rares et qui, pressés, s...

  • A Eva

    Si ton coeur, gémissant du poids de notre vie,
    Se traîne et se débat comme un aigle blessé,
    Portant comme le mien, sur son aile asservie,
    Tout un monde fatal, écrasant et glacé ;
    S'il ne bat qu'en saignant par sa plaie immortelle,
    S'il ne voit plus l'amour, son étoile fidèle,
    Eclairer pour lui seul l'horizon effacé ;

    Si ton âme...

  • Est-ce la Volupté qui, pour ses doux mystères,
    Furtive, a rallumé ces lampes solitaires ?
    La gaze et le cristal sont leur pâle prison.
    Aux souffles purs d'un soir de l'ardente saison
    S'ouvre sur le balcon la moresque fenêtre ;
    Une aurore imprévue à minuit semble naître,
    Quand la lune apparaît, quand ses gerbes d'argent
    Font pâlir les lueurs du feu rose et...

  • Voilà ce qu'ont chanté les filles d'Israël,
    Et leurs pleurs ont coulé sur l'herbe du Carmel :

    - Jephté de Galaad a ravagé trois villes ;
    Abel ! la flamme a lui sur tes vignes fertiles !
    Aroër sous la cendre éteignit ses chansons,
    Et Mennith s'est assise en pleurant ses moissons !

    Tous les guerriers d'Ammon sont détruits, et leur terre
    Du Seigneur...

  • Eva, qui donc es-tu ? Sais-tu bien ta nature ?
    Sais-tu quel est ici ton but et ton devoir ?
    Sais-tu que, pour punit l'homme, sa créature,
    D'avoir porté la main sur l'arbre du savoir,
    Dieu permit qu'avant tout, de l'amour de soi-même
    En tout temps, à tout âge, il fît son bien suprême,
    Tourmenté de s'aimer, tourmenté de se voir ?

    Mais si Dieu près...

  • Le rideau s'est levé devant mes yeux débiles,
    La lumière s'est faite et j'ai vu ses splendeurs ;
    J'ai compris nos destins par ces ombres mobiles
    Qui se peignaient en noir sur de vives couleurs.
    Ces feux, de ta pensée étaient les lueurs pures,
    Ces ombres, du passé les magiques figures,
    J'ai tressailli de joie en voyant nos grandeurs.

    Il est donc vrai que...