• Ô royauté tragique ! ô vêtement infâme !
    Ô poignant diadème ! ô sceptre rigoureux !
    Ô belle et chère tête ! ô l'amour de mon âme !
    Ô mon Christ seul fidèle et parfait amoureux !

    On vous frappe, ô saint chef, et ces coups douloureux
    Font que votre couronne en cent lieux vous rentame.
    Bourreaux, assenez-le d'une tranchante lame,
    Et versez tout à coup...

  • Non autrement qu'on voit d'une torche allumée
    Par le vague de l'air se perdre la fumée,
    Ainsi j'ai vu mes jours se perdre en un moment :
    Mes tristes os vidés d'humeurs et de mouëlles,
    Décharnés, et recuits au feu de mon tourment
    Sont prêts d'être allumés comme sèches brindèles.

    La violente ardeur de ma longue misère
    Et les brûlants éclairs de ta...

  • Ô Père dont jadis les mains industrieuses
    Cette vigne ont planté, vois comme au lieu du fruit
    Qu'elle dût rapporter, ingrate elle produit
    Pour couronner ton fils des ronces épineuses.

    Ces épines étaient les peines crimineuses
    Des révoltes de l'homme au paradis séduit :
    Et ce Christ, qui sa coulpe et ses peines détruit,
    Ces épines arrose et les rend...

  • Elle exprimait encor la cause douloureuse
    De ses pleurs, quand elle oit un petit bruit léger
    A son dos ; et soudain cette aveugle amoureuse
    Se tourne et voit le Christ, mais c'est comme étranger.

    " Ô femme, lui dit-il, quel deuil te peut ranger
    A tant et tant de pleurs ? Que cherches-tu, pleureuse ?
    - Ah, dit-elle, Seigneur, si ta main valeureuse
    A mon...

  • Vers la plage rosine où le Soleil s'esleve
    Loin d'Acre et de Sion le chemin d'un Sabbath,
    Vis à vis du Calvaire un autre mont s'esleve
    Tousjours vert des honneurs du Minervé combat.

    Ces fueilleux arbrisseaux ennemis du debat,
    Ce mont qui dans Cedron ses racines abreve,
    Où l'humble solitude aux soucis donne treve,
    Estoient de nostre Amant le coustumier...

  • Bel Arbre triomphant, victorieux trophée,
    Qui pourroit dignement ta loüange entonner ?
    Au seul ozer je sens ma Muse s'étonner,
    Et ma voix au gosier de frayeur estouffée.

    Soy donq, ô digne Croix, toy-mesme ton Orphée,
    Et te plaise aujourd'huy piteuse me donner
    Qu'à tousjours de ton Nom soit ma gloire étoffée,
    Que mon penser ne puisse onques t'...

  • Le Cerf que le veneur relance au bois sauvage
    Void un fleuve, s'y jette, nage et gaigne le bord.
    Christ poursuivy de Juifs, nage aux eaux de la mort,
    Les passe, et vient surgir à l'immortel rivage.

    Le Cerf hayt le serpent, l'attaque, le ravage,
    Le mord et l'engloutit : Christ mortellement mord
    Le serpent qui fournit à la mort son breuvage
    Cette...

  • Cette rouge sueur goutte à goutte roulante
    Du corps de cet athlète en ce rude combat
    Peut être comparée à cette eau douce et lente
    Qui la sainte montagne en silence rebat.

    L'aveugle-né (qui mit tous les siens en débat
    Pour ses yeux) fut lavé de cette eau doux-coulante,
    Et dans le chaud lavoir de cette onde sanglante
    Toute l'aveugle race en liberté...

  • Ses pieds sont donc percez (comme il avait predit)
    Percée est sa main gauche : et sa droite est percée :
    Sa peau, par trop tenduë, est par tout crevacée :
    Et ses os sont comptez par ce peuple maudit.

    Or nos durs Circoncis craignans qu'il ne rendit
    L'esprit auparavant que la Croix fut dressée
    S'escrient qu'on l'esleve : et la troupe amassée
    Des...

  • Comme ces assassins faignent d'avoir grand soin
    De traitter cette cause en termes de justice,
    Voicy de toutes parts maint et maint faux tesmoin
    Qui tasche d'attacher l'innocent au supplice.

    Mais, quoy que ces menteurs colorent leur malice
    Tant qu'il leur est possible, ils s'égarent si loin
    Qu'ils ne disent en fin rien qui se compatisse,
    Qui vray...