• Je ne crois point ce que vous dites :
    Que tant de bien me désiriez,
    Comme à celle, pour qui vous fites
    Ce que pour vous faire devriez.

    Mais quelle plus estimeriez :
    Ou celle qui, d'un coeur tremblant,
    N'ose dire ce que voudriez,
    Ou qui le dit d'un faux semblant ?

    (Rymes XXXI)

  • Quant est d'Amour, je crois que c'est un songe,
    Ou fiction, qui se paît de mensonge,
    Tant que celui, qui peut plus faire encroire
    Sa grand'feintise, en acquiert plus de gloire.

    Car l'un feindra de désirer la grâce,
    De qui soudain voudra changer la place
    L'autre fera mainte plainte à sa guise,
    Portant toujours l'amour en sa devise,
    Estimant...

  • Celle clarté mouvante sans ombrage,
    Qui m'éclaircit en mes ténébreux jours,
    De sa lueur éblouit l'oeil volage
    À l'inconstant, pour ne voir mes séjours :
    Car, me voyant, m'eût consommé toujours
    Par les erreurs de son errante flèche.

    Par quoi l'esprit, qui désir chaste cherche,
    En lieu de mort a eu nouvelle vie,
    Faillant aux yeux - dont le...

  • Dames, s'il est permis
    Que l'amour appetisse
    Entre deux coeurs promis,
    Faisons pareil office :
    Lors la légèreté
    Prendra sa fermeté.

    S'ils nous disent volages
    Pour nous en divertir :
    Assurons nos courages
    De ne nous repentir,
    Puis que leur amitié
    Est moins, que de moitié.

    Se voulant excuser,
    Que leur moitié...

  • Sais-tu pourquoi de te voir j'eus envie ?
    C'est pour aider à l'ouvrier, qui cessa,
    Lors qu'assembla en me donnant la vie,
    Les différents, où après me laissa.

    Car m'ébauchant Nature s'efforça
    D'entendre et voir pour nouvelle ordonnance
    Ton haut savoir, qui m'accroît l'espérance
    Des Cieux promise, ainsi que je me fonde,
    Que me feras avoir la...

  • C'est une ardeur d'autant plus violente,
    Qu'elle ne peut par Mort ni temps périr :
    Car la vertu est d'une action lente,
    Qui tant plus va, plus vient à se nourrir.

    Mais bien d'Amour la flamme on voit mourir
    Aussi soudain qu'on la voit allumée,
    Pour ce qu'elle est toujours accoutumée,
    Comme le feu, à force et véhémence :
    Et celle-là n'est jamais...

  • Jà n'est besoin que plus je me soucie
    Si le jour faut, ou que vienne la nuit,
    Nuit hivernale, et sans Lune obscurcie :
    Car tout cela certes rien ne me nuit,
    Puisque mon Jour par clarté adoucie
    M'éclaire toute, et tant, qu'à la minuit
    En mon esprit me fait apercevoir
    Ce que mes yeux ne surent oncques voir.

    (Rymes VIII)

  • Soit que par égale puissance
    L'affection, et le désir
    Débattent de la jouissance
    Du bien, dont se veulent saisir :

    Si vous voulez leur droit choisir,
    Vous trouverez sans fiction,
    Que le désir en tout plaisir
    Suivra toujours l'affection.

    (Rymes XXVII)

  • Qui voudra bien contempler l'Univers,
    Où du grand Dieu le grand pouvoir abonde
    En éléments, et animaux divers,
    En Ciel, et Terre, et Mer large et profonde,
    Vienne voir l'homme, où la machine ronde
    Est toute enclose, et plus, qui bien le prend.
    Car pour soi seul en ce sien petit monde
    À tout compris, celui qui tout comprend.

    (Rymes LX)

  • Heureuse est la peine
    De qui le plaisir
    À sur foi certaine
    Assis son désir.
    L'on peut assez en servant requérir,
    Sans toutefois par souffrir acquérir
    Ce que l'on pourchasse
    Par trop désirer,
    Dont en male grâce
    Se faut retirer.

    Car un tel service
    Ne prétend qu'au point,
    Qui par commun vice
    L'honneur pique, et point....