• Quand le désir de ma haute pensée,
    Me fait voguer en mer de ta beauté,
    Espoir du fruit de ma grand' loyauté,
    Tient voile large à mon désir haussée.

    Mais cette voile ainsi en l'air dressée,
    Pour me conduire au port de privauté,
    Trouve en chemin un flot de cruauté,
    Duquel elle est rudement repoussée.

    Puis de mes yeux la larmoyante pluie...

  • J'ai tant crié, ô douce Mort, renverse
    Avec ce corps mon grief tourment sous terre,
    Que je me sens presque finir la guerre
    De l'espérance à mon désir diverse.

    Vois, Dame, vois, que les pleurs que je verse,
    Et les soupirs ardents, que je déserre
    Hors de mon coeur, et le trait qui m'enferre,
    Veulent finir si dure controverse.

    Mes pleurs...

  • Pere divin, sapience eternelle,
    Commencement et fin de toute chose,
    Ou en pourtrait indeleble repose
    De l'Univers l'Idee universelle.

    Voy de tes Raiz la plus belle estincelle
    Qui soit ça-bas en corps humain enclose,
    Que la trop fiere, impiteuse Parque ose
    Tirer du clos de sa cendre mortelle.

    Donq de mon feu pourra la flame claire,
    Qui à...

  • A peine avait seize ans, de la belle Vénus
    Et du Cyllénien la jeune et chère race,
    Quand, au temps que Phébus son plus long chemin trace,
    Dans un fleuve il voulut baigner ses membres nus.

    Mes souhaits, dit Salmace, ore sont advenus.
    Ce disant, elle court, entre en l'eau et l'embrasse,
    La peur saisit le coeur, et la honte la face
    D'Hermaphrodit,...

  • Je fumais tout en mon fort soupirer,
    Si chaudement, que le froid de son coeur
    Se distilla ; et l'ardente vigueur
    Lui fit d'Amour un soupir respirer.

    Mes yeux aussi, coutumiers d'attirer
    A leurs ruisseaux tant de triste liqueur,
    Amollissaient toute dure rigueur,
    Dont me soulait ma dame martyrer.

    Quand comme émue au soin de mon souci,...

  • O calme nuit, qui doucement compose
    En ma faveur l'ombre mieux animee
    Qu'onque Morphee en sa sale enfumee
    Peingnit du rien de ses Metamorphoses !

    Combien heureus les oeillets et les roses
    Ceingnoient le bras de mon ame espamee,
    Affriandant une langue affamee
    Du Paradis de deus levres descloses !

    Lorsque Phebus, laissant sa molle couche,
    ...

  • Quel Dieu grava cette majesté douce
    En ce gai port d'une prompte allégresse ?
    De quel lis est, mais de quelle déesse
    Cette beauté qui les autres détrousse ?
    Quelle Sirène hors du sein ce chant pousse,
    Qui décevrait le caut Prince de Grèce ?
    Quels sont ces yeux mais bien quel trophée est ce
    Qui tient d'amour l'arc, les traits et la trousse ?
    Ici le...

  • Au pied du mur je me voy sans eschelle,
    Plus je ne sçay de quel boys faire fleches,
    Faulte d'Argent m'en donne les empesches,
    Triste j'en suis, jà ne fault que le celle.

    Durant ce temps mon corps d'ennuy chancelle,
    Mes joues sont mesgres, palles et sèches,
    Au pied du mur.

    Si ayde n'ay du bon Dieu et de celle
    Devant lesquelz a deulx...

  • Or qui m'aimera, si me suive,
    Je suis Bon Temps, vous le voyez ;
    En mon banquet nul n'y arrive
    Pourvu qu'il se fume ou étrive,
    Ou ait ses esprits fourvoyés.
    Gens sans amour, gens dévoyés
    Je ne veux ni ne les appelle,
    Mais qu'ils soient jetés à la pelle.

    Je ne semons en mon convive
    Que tous bons rustres avoyés ;
    Moi, mes supports,...

  • Rondeau

    Cessez, cessez, gendarmes et piétons,
    De pilloter* et manger le bon homme
    Qui de longtemps Jacqu' Bon-Homme se nomme,
    Duquel blés, vins, et vivres achetons.

    D'autant que nous et lui vous souhaitons
    La corde au col, et que mort vous assomme,
    Cessez, cessez, gendarmes et piétons,
    De pilloter et manger le bon homme.

    ...