• Un jour le Ciel était superbement ému,
    Quand l'odorante Flore étale sa richesse :
    Moi - comme bon Chrétien - m'en allé à la Messe
    Proposant d'amortir l'audace de mon feu :

    Mais que m'en advint-il ? pardonne-moi, ô Dieu !
    J'ai changé ton image en ma belle Maîtresse,
    Et encore, ô malheur ! si grande était la presse,
    Qu'on me vit pris d'Amour qui commande...

  • Quoi ! qu'est-ce que ceci ? ma mignonne, es-tu folle ?
    Ne te moques-tu point ? penses-tu apaiser
    L'audace de mon feu par un simple baiser,
    D'un gracieux regard, d'une douce parole ?

    Ni pour la compagnie, il faut que je t'accole.
    Ne crains qu'on le découvre, on ne peut l'aviser,
    Selon qu'il me plaît ore avec toi deviser,
    Assis sur cette chaire...

  • Je l'oeilladais mi-nue, échevelée,
    Par un pertuis dérobé finement,
    Mon coeur battait d'un tel débattement
    Qu'on m'eût jugé comme en peur déréglée.

    Or' j'étais plein d'une ardeur enflammée,
    Ore de glace en ce frissonnement.
    Je fus ravi d'un doux contentement,
    Tant que ma vie en fut toute pâmée.

    Là follâtrait le beau soleil joyeux,
    ...

  • Cousinons la cousine, elle est cointe et jolie,
    Elle aime à cousiner, et ne refuse rien
    Au cousin cousinant, qui la cousine bien,
    Car il a bouche à cour, et la chambre garnie.

    En si beau cousinage un cousin ne s'ennuie,
    Ce n'est que sucre et miel, ce n'est qu'humble entretien,
    Il ne manque d'attraits, de faveurs, de moyen,
    Tant qu'il peut cousiner...

  • Mais quelle aveugle loi tellement te maîtrise
    De prendre un voile noir, égarant tes beaux yeux
    Des plaisirs, les plaisirs les plus délicieux,
    Pères de ta beauté, des beautés plus exquise ?

    Quel Christ, quel saint, quel roi, quel ange, quel Moïse,
    A fait, dit, commandé, porté, prêché tels voeux ?
    Que si c'était un saint, il fut lors oublieux
    D'ôter...

  • N'oser aimer celui, doué de bonne grâce,
    Qui est à ses amis sans artifice aucun,
    Ne parler à personne, éloigner un chacun,
    Fuir ce que la gloire aimablement pourchasse :

    Marcher piteusement avecque triste face
    Avoir le chef couvert d'un grand voile importun,
    Vivotter mal-en-point - usage trop commun -
    Et comme un prisonnier ne bouger d'une place,
    ...

  • La honte à l'oeil baissé ne me fera point taire,
    Je ne craindrai l'orgueil du causeur affeté,
    Je ne me cacherai pour n'être fréquenté,
    Laissant la sainte Amour qui ne me veut complaire.

    Je connais maintenant mon humeur téméraire,
    C'est trop pour un mortel qu'une Divinité,
    J'aimerai - comme humain - la douce humanité,
    Dont l'invincible mort ne me...

  • Avant que d'adorer le ciel de vos beautés,
    D'un clin d'oeil triplement j'aperçus d'aventure
    Votre visage, Amour, chef-d'oeuvre de Nature,
    Par qui je souffre, hélas, tant d'âpres cruautés !

    Vous teniez ce cristal, miroir des déités,
    Qui me représenta votre sainte figure,
    Et ce riche portrait, riche de la peinture
    Des braves traits naïfs de vos...

  • ... Adieu, mon cher Ronsard ; l'abeille est votre tombe
    Fasse toujours son miel ;
    Que le baume arabic à tout jamais y tombe,
    Et la manne du ciel.
    Le laurier y verdisse avecque le lierre
    Et le mirthe amoureux ;
    Riche en mille boutons, de toutes parts l'enserre
    Le rosier odoreux,
    Le tin, le basilic, la franche marguerite,
    Et notre lis françois
    ...

  • Rondeau

    Brouilleurs de vins, malheureux et maudits,
    Gens sans amour, faux en faits et en dits,
    Qui ne tendez qu'en damnable avarice,
    Soyez certains que divine justice
    Vous punira de bien brief, je le dis,
    Les vins nouveaux vous seront interdits,
    Point n'en boirez ; car des fois plus de dix,
    Dieu qui nous voit connaît votre malice,
    ...