• Amour m'a fait un second Prométhée
    Que le vautour va sans fin dévorant,
    Un papillon qui va s'enamourant
    De la clarté qui lui est présentée,

    Un seul Phénix à la flamme apprêtée
    Qui pour autrui tout soudain va mourant,
    Icare aussi dont la chute éventé
    Refroidit ceux qui haut vont aspirant,

    Je suis encore un Tantal' misérable,
    Sisyph...

  • Puissante déité, redoutable Inconstance,
    Qui par tout l'Univers dissout nos liaisons,
    Fille unique du Temps, reine des horizons,
    Qui même des rochers brave la résistance,

    Enfin le grand Soleil aime ton inconstance,
    Et se plaît de la suivre en diverses maisons,
    Comme l'an à courir par ses quatre saisons,
    Mesurant de leur tour l'une et l'autre...

  • Je suis en ces déserts l'amoureuse Clytie,
    Qui suis jusques au soir mon Soleil radieux,
    Dont la jalouse ardeur d'un amour furieux
    Fut cause que je suis en souci convertie.

    Quand de mon horizon sa lumière est partie,
    Et que l'obscure nuit la dérobe à mes yeux,
    De pleurs j'émeus la terre et de soupirs les cieux,
    Tant que par son retour ma peine est...

  • Plaignez-moi, chers amants, que le ciel adversaire
    Jadis a transformés dans ce bois solitaire
    En arbres et en fleurs,
    Et toi plaisant, Narcis, quitte un peu ta fontaine,
    Si tu veux voir d'Amour la figure certaine,
    Mire-toi dans mes pleurs !

    Je me plais au travail que sans cesse j'endure,
    Avec ces hauts sapins mon désir se mesure
    Et s'accroît tous...

  • Augmentez mes tourments, faites languir mon âme,
    Joignez votre mépris aux rigueurs de mon sort,
    Au lieu de votre objet faites-moi voir la mort,
    Et trempez de poison la flèche qui m'étonne.

    Soyez sourde à mes cris lorsque je vous réclame,
    Me remplissant de crainte au lieu de réconfort,
    Émouvez la tempête et m'éloignez du port,
    Opposez votre glace...

  • Puisqu'à si beau Soleil j'ai mon aile étendue,
    Plus mon désir me pousse et m'élève là-haut,
    Plus je perds mon séjour, plus mon désir est chaud,
    Je méprise la terre et surmonte la nue.

    Je ne crains le malheur ni la perte connue
    Du jeune audacieux, ni son funèbre saut ;
    Bien que je tombe ainsi, chétif, il ne m'en chaut :
    La mort pour tel dessein n'...

  • Niobé, tes enfants jadis furent heureux
    D'avoir été changés en rochers et en pierre,
    Avant que la beauté qui me livre la guerre
    Eût fait voir en naissant des effets amoureux.

    Car, depuis que ses yeux, ces astres rigoureux,
    Eurent de feux, d'attraits, rempli l'air et la terre,
    Il n'est rien de vivant que son regard n'enferre
    Et ne fasse mourir...

  • Puisque mon espérance est à l'extrémité,
    Triste et cruelle fin de vous tant désirée,
    Puisque vous me voyez par votre cruauté
    N'être plus qu'une cendre au tombeau préparée,

    Ressemblez cette reine et son coeur indompté,
    Qui de son cher mari but la cendre honorée.
    Faite ainsi de la mienne, ô divine beauté,
    Récompensant la foi que je vous ai jurée....

  • Celui qui va disant que la mort inhumaine
    Délivre un amoureux des liens de l'amour
    Est privé de raison comme les nuits du jour,
    Il ne sentit jamais le mal qui me pourmène,

    Car la mort ne saurait pour arroser la plaine
    Du sang d'un pauvre coeur où ce dieu fait séjour,
    Faire que ce tyran, ce rigoureux vautour,
    Ne lui fasse sentir des feux et de la...

  • Bel albâtre vivant qu'un fin crêpe nous cache,
    Qui vas toute blancheur ici-bas surpassant,
    Admirable perron où l'amour tout-puissant
    Les plus rebelles coeurs pour son trophée attache,

    Il faut que je t'admire, encore que je sache
    Que cent mille rigueurs à l'entour vont croissant,
    D'où s'élance un grand feu qui nous rend languissant,
    Et qui brûle...