• Elle m'a dit : "Par refus ou tourment
    Je vous ferai laisser votre entreprise."
    Mais Amour dit : "Aimez la fermement,
    Car à la fin, soit douleur ou surprise,
    Par mon moyen vous en ferez la prise,
    Et vous rendrai de son corps le vainqueur."
    Helas ! Amour, ce m'est trop de faveur,
    Mais d'un tel corps ne veux la jouissance,
    Sans être aimé ; par quoi...

  • J'aime une amie entièrement parfaite,
    Tant que j'en sens satisfait mon désir.
    Nature l'a, quant à la beauté, faite
    Pour à tout oeil donner parfait plaisir ;
    Grâce y a fait son chef d'oeuvre à loisir,
    Et les vertus y ont mis leur pouvoir,
    Tant que l'ouïr, la hanter et la voir
    Sont soeurs témoins de sa perfection :
    Un mal y a, c'est qu'elle peut avoir...

  • Plus j'ai d'amour plus j'ai de fâcherie,
    Car je n'en vois nulle autre réciproque ;
    Plus je me tais et plus je suis marrie,
    Car ma mémoire, en pensant, me révoque
    Tous mes ennuis, dont souvent je me moque
    Devant chacun, pour montrer mon bon sens ;
    A mon malheur moi-même me consens,
    En le célant, par quoi donc je conclus
    Que, pour ôter la douleur que je...

  • Le temps est bref et ma volonté grande,
    Qui ne me veut permettre le penser ;
    Ma passion me contraint et commande,
    Selon le temps, le parler compenser.
    Jusques ici j'ai craint de m'avancer,
    En attendant un temps de long loisir,
    Mais il n'est pas en moi de le choisir ;
    Par quoi du peu faut que mon profit fasse :
    En peu de mots vous dirai mon désir,...

  • Dédale criait à son fils,
    Afin de lui donner courage
    «Vole comme je t'ai appris,
    Suis toujours la moyenne plage» ;
    Mais l'enfant, proche du naufrage,
    Disait: «Je ne suis plus en l'air ;
    Ne m'apprends donc plus à voler,
    Montre moi plutôt comme on nage.»

  • Quelle tempête hélas ! quel orage assez fort
    Pourrait bien égaler le furieux effort
    Qui, tout au long d'un an, pour la française terre,
    A fait courir l'effroi de cette horrible guerre ?
    Qui traînait après soi mille et mille malheurs,
    Pour faire à l'avenir couler cent mille pleurs ?
    Si la postérité veut croire en notre histoire
    Ce que ceux qui l'ont vue...

  • Et Nostradamus et Rombure,
    Et tous les devins plus vantés
    Ont été par toi fréquentés
    Pour savoir ta bonne aventure ;
    Ils ont prédit que tu serais
    Un jour plus haut que tous les rois,
    Et voici qu'on te mène pendre
    N'ont ils pas dit la vérité ?
    Car tu t'en vas si hautement,
    Que nul ne peut si haut prétendre.

  • Qu'inférez-vous, menteurs, par vos beaux arguments,
    Que toutes choses sont un seul être immobile ?
    Vous n'avez fondement qui ne soit trop débile,
    La nature le montre avec ses mouvements.

    Et puisque le chaos reçoit les ornements
    Qui donnent l'être heureux à sa masse infertile,
    Ornements différents, quelle règle subtile
    Peut établir le fond de vos...

  • Puisse advenir que ma fiere Maistresse
    Voyant le lict de mon sombre repos,
    En souspirant me tienne ce propos,
    La larme à l'oeil et le sein en tristesse :

    Ô sainct dépost, enfant de ma rudesse,
    Qui tien mon coeur enlacé dans tes os,
    Reçoi benin ces pleurs et ces sanglots,
    Et les regrets que je respans sans cesse :

    Tu gis icy pour m'aimer...

  • Tu es le rien, fortune : et si es toute chose,
    Rien, parce que de rien toutes choses se font,
    Tout, parce que dans toi les choses se défont ;
    Bref, tu es tout et rien, et leur métamorphose :

    Mais ce n'est pas par toi que j'aime ces beaux yeux,
    Qui me vont tempêtant sur un ardent Neptune :
    Si j'aimais par hasard, le sort audacieux
    Éteindrait...