• VOUS désirez ce corps langoureux dans la force,
    Fait d’un ange mystique et d’un bel animal,
    Ces cheveux bruns, contraste à la pâleur du torse,
    Ces grands yeux reposant dans le calme normal.

    Mais vous ne savez pas si toute cette amorce
    De chair épanouie en calice aromal,
    Vient du profond de l’être, ou ne tient qu’à l’écorce !
    Ne le sachez jamais, la...

  • JE suis comme un marin à la côte jeté.

    Mon vaisseau coule au large, ouvert et démâté.
    Or ce vaisseau portait mes désirs et mes rêves ;
    Et ce qui m’a, loin d’eux, repoussé sur les grèves,
    C’est la pensée, un autre et plus rude océan.

    Par bonheur, le rivage échappe à l’ouragan.
    Sous des ombrages frais que la brise balance,
    Mon cœur, libre d’angoisse,...

  • S’IL est une heure douce entre toutes les heures,
    Une heure où rien d’amer en vous ne soit resté,
    Où les choses qu’on aime apparaissent meilleures,
    Où l’on arrive à Dieu par la félicité ;

    C’est quand la bien-aimée, entre vos bras étreinte,
    Ne voulant rien encor, mais près de tout vouloir,
    Répondant au désir par une douce plainte,
    Pensive, en s’en...

  • J’ÉTAIS allé chasser sur le bord de la mer.
    Libre et seul, enivré de marcher au grand air,
    Je regardais le flot s’arrêter sur la rive,
    D’après l’ordre éternel qui de l’espace arrive.
    A la bouche du fleuve où nagent les saumons,
    Entre les rochers gris couverts de goémons,
    J’allais, et je laissais entrer dans ma poitrine
    Ce souffle acrement pur, cette...

  • O nature tranquille, immortelle nourrice
    Des vivants et des morts,
    Charmeuse, étends sur moi la paix consolatrice
    De tes parfums subtils et de tes doux accords.

    Quand de l’illusion le mirage éphémère
    Illuminait mes yeux,
    C’est toi qui, loin du bruit, ô nature, ô ma mère,
    A mes rêves prêtais les forêts et les cieux.

    Ces rêves ont vécu, mais mon...

  • AGENOUILLÉE au bord de l’eau limpide et vaste,
    Les cheveux dénoués, la vierge enthousiaste
    S’appuie au parapet qui la tient en prison ;
    Près d’elle est un fanal dont la lueur frissonne.
    Du reste, pas un bruit, pas une ombre ; personne !
    L’onde immense se perd dans l’immense horizon.

    Rien ! excepté là-bas la blancheur de deux voiles
    Qui, comme les...

  • O lune, ô belle nuit, sérénité profonde,
    Ruissellement du ciel étoilé sur le monde,
    Quiétude des champs où flottent des pâleurs
    Sur la verdure unie et sur l’émail des fleurs,
    Mystère des grands bois, pleins d’ombres illusoires,
    Avec leurs blancs rayons coupés de branches noires,
    Douceur dont l’univers immobile est rempli,
    Fous, solitude, et vous,...

  • SI vous êtes de cette race
    Qui, s’indignant de voir le mal,
    Des gens affamés s’embarrasse
    Et craint de battre un animal,

    De cette race ridicule
    Qui ne veut aimer que le beau,
    Et, loin du monde qui calcule,
    Prend le rêve pour son flambeau ;

    Si vous n’adorez point la force,
    Si la pensée est votre Dieu,
    Si vous vous prenez à l’amorce...

  • QUEL parfum j’irais répandre
    En ton cœur, si tu voulais !
    Mais tu ne veux rien comprendre.
    A ne rien voir tu le plais.
    Nos lèvres sont des fleurs douces,
    Nos yeux ont l’éclat du jour ;
    Cependant tu me repousses
    Sans souci d’aucun amour.
    Oh ! quelle amère folie,
    Source du regret cuisant !
    Crains que l’amour ne t’oublie,
    Toi qui...

  • Près de moi se tenait une femme si douce
    Que moins doux est un nid fait de plume et de mousse.
    Le sourire dormait sur sa lèvre ; ses mains
    Caressantes avaient des senteurs de jasmins ;
    Ses bras semblaient promettre une étreinte profonde.
    Elle était pâle avec la chevelure blonde.
    Ni mouvement ni souffle. Un charme plein d’effroi
    Tombait de son visage...