• L'âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;
    Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;
    Relégué du salon, il sommeille dans l'ombre
    Ce misanthrope aigri de son isolement.

    Je me souviens encor des nocturnes sans nombre
    Que me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,
    À ces soirs d'autrefois - passés dans la pénombre,
    Quand Liszt se...

  • Je sais en une église un vitrail merveilleux
    Où quelque artiste illustre, inspiré des archanges,
    A peint d'une façon mystique, en robe à franges,
    Le front nimbé d'un astre, une Sainte aux yeux bleus.

    Le soir, l'esprit hanté de rêves nébuleux
    Et du céleste écho de récitals étranges,
    Je m'en viens la prier sous les lueurs oranges
    De la lune qui luit entre...

  • Et nos coeurs sont profonds et vides comme un gouffre,
    Ma chère, allons-nous-en, tu souffres et je souffre.

    Fuyons vers le castel de nos Idéals blancs,
    Oui, fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.

    Aux plages de Thulé, vers l'île des Mensonges,
    Sur la nef des vingt ans fuyons comme des songes.

    Il est un pays d'or plein de lieds et d'oiseaux,...

  • J'eus ce rêve. Elle a vingt ans, je n'en ai pas moins ;
    Nous habiterons ces chers coins
    Qu'embaumeront ses soins.

    Ce sera là tout près, oui, rien qu'au bas du val ;
    Nous aurons triple carnaval :
    Maison, coq et cheval.

    Elle a les yeux de ciel, tout donc y sera bleu :
    Pignon, châssis, seuil, porte, heu !
    Dedans peut-être un peu.

    Elle...

  • Maître, il est beau ton Vers ; ciseleur sans pareil,
    Tu nous charmes toujours par ta grâce nouvelle,
    Parnassien enchanteur du pays du soleil,
    Notre langue frémit sous ta lyre si belle.

    Les Classiques sont morts ; le voici le réveil ;
    Grand Régénérateur, sous ta pure et vaste aile
    Toute une ère est groupée. En ton vers de vermeil
    Nous buvons ce poison...

  • Là, nous nous attardions aux nocturnes tombées,
    Cependant qu'alentour un vol de scarabées
    Nous éblouissait d'or sous les lueurs plombées,

    De grands chevaux de pourpre erraient, sanguinolents,
    Par les célestes turfs, et je tenais, tremblants,
    Tes doigts entre mes mains, comme un nid d'oiseaux blancs.

    Or, tous deux, souriant à l'étoile du soir,
    Nous...

  • Refoulons la sente
    Presque renaissante
    A notre ombre passante.

    Confabulons là
    Avec tout cela
    Qui fut de la villa.

    Parmi les voix tues
    Des vieilles statues
    Çà et là abattues.

    Dans le parc défunt
    Où rôde un parfum
    De soir blanc en soir brun...

  • Maints soirs nous errons dans le val
    Que vont drapant les heures grises.
    Des pleurs perlent ses yeux d'alises
    Quand elle ouït les Cydalises
    De ce dieu que fut de Nerval.

    Ah ! voudrait-elle en long vol d'or
    Les rejoindre dans des domaines
    Plus vastes que les cours romaines
    Où par d'éternelles semaines
    La coupe de Volupté dort,

    Ou...

  • Ils défilent au chant étouffé des sandales,
    Le chef bas, égrenant de massifs chapelets,
    Et le soir qui s'en vient, du sang de ses reflets
    Mordore la splendeur funéraire des dalles.

    Ils s'effacent soudain, comme en de noirs dédales,
    Au fond des corridors plein de pourpres relais
    Où de grands anges peints aux vitraux verdelets
    Interdisent l'entrée...

  • Fais, au blanc frisson de tes doigts,
    Gémir encore, ô ma maîtresse !
    Cette marche dont la caresse
    Jadis extasia les rois.

    Sous les lustres aux prismes froids,
    Donne à ce coeur sa morne ivresse,
    Aux soirs de funèbre paresse
    Coulés dans ton boudoir hongrois.

    Que ton piano vibre et pleure,
    Et que j'oublie avec toi l'heure
    Dans un Eden...