• Tu te verras ton ivoire crêper
    Par l'outrageuse et tardive vieillesse.
    Lors sans pouvoir en rien participer
    D'aucune joie et humaine liesse,
    Je n'aurai eu de ta verte jeunesse,
    Que la pitié n'a su à soi ployer
    Ni du travail qu'on m'a vu employer
    A soutenir mes peines éphémères
    Comme Apollon, pour mériter loyer,
    Sinon rameaux et feuilles...

  • Quand l'ennemi poursuit son adversaire
    Si vivement qu'il le blesse ou l'abat :
    Le vaincu lors pour son plus nécessaire
    Fuit çà et là et crie et se débat.
    Mais moi, navré par ce traître combat
    De tes doux yeux, quand moins de doute avois,
    Cèle mon mal ainsi, comme tu vois,
    Pour te montrer à l'oeil évidemment
    Que tel se tait et de langue et de voix...

  • En devisant un soir me dit ma Dame :
    Prends cette pomme en sa tendresse dure,
    Qui éteindra ton amoureuse flamme,
    Vu que tel fruit est de froide nature :
    Adonc aura congrue nourriture
    L'ardeur qui tant d'humeur te fait pleuvoir.
    Mais toi, lui dis-je, ainsi que je puis voir,
    Tu es si froide et tellement en somme
    Que, si tu veux de mon mal cure...

  • Tu cours superbe, ô Rhône, florissant
    En sablon d'or et argentines eaux.
    Maint fleuve gros te rend plus ravissant,
    Ceint de cités, et bordé de châteaux,
    Te pratiquant par sûrs et grands bateaux
    Pour seul te rendre en notre Europe illustre.
    Mais la vertu de ma Dame t'illustre
    Plus qu'autre bien qui te fasse estimer.
    Enfle-toi donc au parfait de son...

  • L'oisiveté des délicates plumes,
    Lit coutumier, non point de mon repos,
    Mais du travail, où mon feu tu allumes,
    Souventes fois, oultre heure, et sans propos
    Entre ses draps me retient indispos,
    Tant elle m'a pour son faible ennemi.

    Là mon esprit son corps laisse endormi
    Tout transformé en image de Mort,
    Pour te montrer, que lors homme à demi...

  • En toi je vis, où que tu sois absente :
    En moi je meurs, où que soye présent.
    Tant loin sois-tu, toujours tu es présente :
    Pour près que soye, encore suis-je absent.

    Et si nature outragée se sent
    De me voir vivre en toi trop plus qu'en moi :
    Le haut pouvoir qui, oeuvrant sans émoi,
    Infuse l'âme en ce mien corps passible,
    La prévoyant sans son...