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    Virginité du cœur, hélas ! si tôt ravie !
    Songes riants, projets de bonheur et d’amour,
    Fraîches illusions du matin de la vie,
    Pourquoi ne pas durer jusqu’à la fin du jour ?

    Pourquoi ?… Ne voit-on pas qu’à midi la rosée
    De ses larmes d’argent n’enrichit plus les fleurs,
    Que l’anémone frêle, au vent froid exposée,
    Avant le soir n’a plus ses...

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    J'aime les vieux tableaux de l'école allemande ;
    Les vierges sur fond d'or aux doux yeux en amande,
    Pâles comme le lis, blondes comme le miel,
    Les genoux sur la terre, et le regard au ciel,
    Sainte Agnès, sainte Ursule et sainte Catherine,
    Croisant leurs blanches mains sur leur blanche poitrine,
    Les chérubins joufflus au plumage d'azur,
    Nageant...

  • La beauté, dans la femme, est une mélodie
    Dont la toilette n’est que l’accompagnement.
    Vous avez la beauté. — Sur ce motif charmant,
    À chercher des accords votre goût s’étudie :

    Tantôt c’est un corsage à la coupe hardie
    Qui s’applique au contour, comme un baiser d’amant ;
    Tantôt une dentelle au feston écumant,
    Une fleur, un bijou qu’un reflet...

  • Un oiseau siffle dans les branches
    Et sautille gai, plein d’espoir,
    Sur les herbes, de givre blanches,
    En bottes jaunes, en frac noir.

    C’est un merle, chanteur crédule,
    Ignorant du calendrier,
    Qui rêve soleil, et module
    L’hymne d’avril en février.

    Pourtant il vente, il pleut à verse ;
    L’Arve jaunit le Rhône bleu,
    Et le salon, tendu...

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    Si, comme Pétrarque et le vieux Ronsard,
    Viole d’amour ou lyre païenne,
    De fins concettis à l’italienne
    Je savais orner un objet plein d’art,

    Je vous en ferais, fée au bleu regard,
    Dans le pur toscan que l’on parle à Sienne
    Ou dans un gaulois de saveur ancienne,
    Sur votre arrivée ou votre départ ;

    Sur vos gilets blancs et vos amazones...

  • Le monde est méchant, ma petite :
    Avec son sourire moqueur
    Il dit qu’à ton côté palpite
    Une montre en place de cœur.

    — Pourtant ton sein ému s’élève
    Et s’abaisse comme la mer,
    Aux bouillonnements de la sève
    Circulant sous ta jeune chair.

    Le monde est méchant, ma petite :
    Il dit que tes yeux vifs sont morts
    Et se meuvent dans leur...

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    Lorsque l’on est monté jusqu’au nid des aiglons,
    Et que l’on voit, sous soi, les plus fiers mamelons
    Se fondre et s’effacer au flanc de la montagne,
    Et, comme un lac, bleuir tout au fond la campagne,
    On s’aperçoit enfin qu’on grimperait mille ans,
    Tant que la chair tiendrait à vos talons sanglants,
    Sans approcher du ciel qui toujours se recule,...

  • Deux fois je regarde ma montre,
    Et deux fois à mes yeux distraits
    L’aiguille au même endroit se montre :
    Il est une heure… une heure après.

    La figure de la pendule
    En rit dans le salon voisin,
    Et le timbre d’argent module
    Deux coups vibrant comme un tocsin ;

    Le cadran solaire me raille
    En m’indiquant, de son long doigt,
    Le chemin...

  • Quand je vais poursuivant mes courses poétiques,
    Je m’arrête surtout aux vieux châteaux gothiques.
    J’aime leurs toits d’ardoise aux reflets bleus et gris,
    Aux faîtes couronnés d’arbustes rabougris ;
    Leurs pignons anguleux, leurs tourelles aiguës ;
    Dans les réseaux de plomb leurs vitres exiguës,
    Légendes des vieux temps où les preux et les saints
    Se...

  • Des déesses et des mortelles
    Quand ils font voir les charmes nus
    Les sculpteurs grecs plument les ailes
    De la colombe de Vénus.

    Sous leur ciseau s’envole et tombe
    Le doux manteau qui la revêt
    Et sur son nid froid la colombe
    Tremble sans plume et sans duvet.

    Ô grands païens, je vous pardonne !
    Les Grecs enlevant au contour
    Le fin...