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    L’azur n’est plus égal comme un rideau sans pli.
    La feuille, à tout moment, tressaille, vole et tombe ;
    Au bois, dans les sentiers où le taillis surplombe,
    Les taches de soleil, plus larges, ont pâli.

    Mais l’œuvre de la sève est partout accompli :
    La grappe autour du cep se colore et se bombe,
    Dans le verger la branche au poids des fruits succombe,...

  • Ces vers, je les dédie aux amis inconnus,
    À vous, les étrangers en qui je sens des proches,
    Rivaux de ceux que j’aime et qui m’aiment le plus,
    Frères envers qui seuls mon cœur est sans reproches
    Et dont les cœurs au mien sont librement venus.

    Comme on voit les ramiers sevrés de leurs volières
    Rapporter sans faillir, par les cieux infinis,

    Un cher...

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    Tant que vous marcherez sous le soleil des plaines,
    Par les mauvais chemins poussant les lourds canons,
    O frères, dont les rois ne savent pas les noms,
    Et qui ne savez rien de leurs subtiles haines ;

    Tant qu’au hasard frappés par les armes lointaines
    Ou parmi la mêlée aveugle et sans pardons,
    Vous mourrez dans l’horreur de tous les abandons,
    ...

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    Ah ! nous vous absolvons, nous les poètes fous,
    De préférer à l’or les lèvres satinées,
    De ne point sans révolte aux vagues destinées
    Sacrifier la fleur d’un présent sûr et doux !

    La vie a des saisons, chaque saison ses goûts.
    Le partage est tout fait des rapides années :
    Il les faut accueillir comme elles sont données,
    Aux vieillards pour...

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    Riez ! il nous est cher de vous sentir contents ;
    La divine gaîté, cette sœur du courage,
    Vous convie à braver l'horizon gros d'orage,
    Sous l'immense arc-en-ciel qu'elle dresse à vingt ans.

    Vous pouvez rire, vous ! Le rire n'a qu'un temps,
    Et l'oubli des douleurs n'appartient qu'à votre âge ;
    Même sur le bâillon mis au Droit qu'on outrage,
    ...

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    Poètes à venir, qui saurez tant de choses,
    Et les direz sans doute en un verbe plus beau,
    Portant plus loin que nous un plus large flambeau
    Sur les suprêmes fins et les premières causes ;

    Quand vos vers sacreront des pensers grandioses,
    Depuis longtemps déjà nous serons au tombeau ;
    Rien ne vivra de nous qu’un terne et froid lambeau
    De notre...

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    Tu les feras pleurer, enfant belle et chérie,
    Tous ces bambins, hommes futurs,
    Qui plus tard suspendront leur jeune rêverie
    Aux cils câlins de tes yeux purs.

    Ils aiment de ta voix la roulade sonore,
    Mais plus tard ils sentiront mieux
    Ce qu’ils peuvent à peine y discerner encore,
    Le timbre au charme impérieux ;

    Ils touchent, sans jamais...

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    Atlas porte le monde, et, les poings sur les reins,
    Suant, le front plissé, le sang à la narine ;
    Il pleure, et dans le creux de sa grande poitrine
    Appuie en gémissant sa barbe aux rudes crins.

    « Debout ! forgez des socs, des leviers et des freins !
    Crie Atlas aux mortels que le travail chagrine ;
    Les bêtes, les forêts, les champs et l’eau marine,...

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    Splendeur excessive, implacable,
    Ô beauté, que tu me fais mal !
    Ton essence incommunicable,
    Au lieu de m’assouvir, m’accable :
    On n’absorbe pas l’idéal.

    L’éternel féminin m’attire,
    Mais je ne sais comment l’aimer.
    Beauté, te voir n’est qu’un martyre,
    Te désirer n’est qu’un délire,
    Tu n’offres que pour affamer !

    Je porte...

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    La foi, l’antique foi dans mon âme a péri,
    Et maintenant je sonde à tâtons la Nature.
    Mais je regrette, hélas ! la sublime imposture
    Qui, dans l’ombre déserte, offre au cœur un abri ;

    Et j’y crois de nouveau quand vous m’avez souri :
    La nuit m’épouvantait, cette aube me rassure.
    Quand je ne vous vois pas, l’inconnu me torture ;
    Paraissez...