• Lorsque tu seras vieux et que je serai vieille,
    Lorsque mes cheveux blonds seront des cheveux blancs,
    Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,
    Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.
    Comme le renouveau mettra nos coeurs en fête,
    Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,
    Et je te sourirai tout en branlant la tête,
    Et nous ferons...

  • Filliou*, quand je serai guérie,
    Je ne veux voir que des choses très belles...

    De somptueuses fleurs, toujours fleuries ;
    Des paysages qui toujours se renouvellent,
    Des couchers de soleil miraculeux, des villes
    Pleines de palais blancs, de ponts, de campaniles
    Et de lumières scintillantes... Des visages
    Très beaux, très gais ; des danses
    ...

  • Amour, mon cher Amour, je te sais près de moi
    Avec ton beau visage.
    Si tu changes de nom, d'accent, de coeur et d'âge,
    Ton visage du moins ne me trompera pas.
    Les yeux de ton visage, Amour, ont près de moi
    La clarté patiente des étoiles.
    De la nuit, de la mer, des îles sans escales,
    Je ne crains rien si tu m'as reconnue.
    Mon Amour, de bien loin,...

  • Le vieux chemin creusé d'ornières ?
    Il a trop plu.
    Le vieux chemin de la Carrière,
    Celui du vieux moulin qui ne moud plus,
    Le chemin du Seigneur qui n'a plus de château,
    Le chemin du Bourreau,
    Le chemin de la malle-poste,
    Et ceux qui les croisaient, tous les chemins herbus,
    Tous les chemins pleins d'eau,
    Tous les chemins perdus...
    ...

  • L'Honneur de souffrir
    ANNA DE NOAILLES.

    Douleur, je vous déteste ! Ah ! que je vous déteste !
    Souffrance, je vous hais, je vous crains, j'ai l'horreur
    De votre guet sournois, de ce frisson qui reste
    Derrière vous, dans la chair, dans le coeur...

    Derrière vous, parfois vous précédant,
    J'ai senti cette chose inexprimable, affreuse :
    Une...

  • Solitude... Pour vous cela veut dire seul,
    Pour moi - qui saura me comprendre ?
    Cela veut dire : vert, vert dru, vivace tendre,
    Vert platane, vert calycanthe, vert tilleul.

    Mot vert. Silence vert. Mains vertes
    De grands arbres penchés, d'arbustes fous ;
    Doigts mêlés de rosiers, de lauriers, de bambous,
    Pieds de cèdres âgés où se concertent
    ...

  • Vallée du Gavaudun.

    Ne me parlez ni de la tour,
    Ni des belles ruines rousses,
    Ni de cette vivante housse
    De feuillages en demi-jour.

    La gorge est trop fraîche et trop verte ;
    La rivière, comme un serpent,
    S'y tord, à peine découverte
    Sous trop d'herbe où reste en suspens
    Le mystère des forêts vierges.

    Ne me parlez ni de...

  • Entends la chanson de l'eau...
    Comme il pleut, comme il pleut vite !
    Il semble que des grelots
    Dans la gouttière s'agitent.

    A l'abri dans ton dodo
    Entends la chanson de l'eau !

    Entends la chanson du vent...
    Comme les branches s'agitent !
    Les nids d'oiseaux, bien souvent,
    Sont bercés, bercés trop vite.

    A l'abri des...

  • Ne pas se rappeler en suivant ce chemin...
    Ne pas se rappeler... Je te donnais la main.
    Nos pas étaient semblables,
    Nos ombres s'accordaient devant nous sur le sable,
    Nous regardions très loin ou tout près, simplement.
    L'air sentait ce qu'il sent en ce moment.
    Le vent ne venait pas de l'Océan. De là
    Ni d'ailleurs. Pas de vent. Pas de nuage. Un pin...

  • Un seul coeur ? Impossible
    Si c'est par lui qu'on souffre et que l'on est heureux.
    On dit : coeur douloureux,
    Coeur torturé, coeur en lambeaux -
    Puis : joyeux et léger comme un oiseau des Iles,
    Un coeur si grand, si lourd, si gros
    Qu'il n'y a plus de place
    Pour rien d'autre que lui dans notre corps humain.
    Puis évadé, baigné d'une grâce divine ?...