• Vous m'envoyez, belle Emilie,
    Un poulet bien emmailloté ;
    Votre main discrète et polie
    L'a soigneusement cacheté.
    Mais l'aumône est un peu légère,
    Et malgré sa dextérité,
    Cette main est bien ménagère
    Dans ses actes de charité.
    C'est regarder à la dépense
    Si votre offrande est un paiement,
    Et si c'est une récompense,
    Vous n'aviez pas besoin...

  • Oui, si j'étais femme, aimable et jolie,
    Je voudrais, Julie,
    Faire comme vous ;
    Sans peur ni pitié, sans choix ni mystère,
    A toute la terre
    Faire les yeux doux.

    Je voudrais n'avoir de soucis au monde
    Que ma taille ronde,
    Mes chiffons chéris,
    Et de pied en cap être la poupée
    La mieux équipée
    De Rome à Paris.

    Je...

  • Sonnet

    Ainsi, quand la fleur printanière
    Dans les bois va s'épanouir,
    Au premier souffle du zéphyr
    Elle sourit avec mystère ;

    Et sa tige fraîche et légère,
    Sentant son calice s'ouvrir,
    Jusque dans le sein de la terre
    Frémit de joie et de désir.

    Ainsi, quand ma douce Marie
    Entr'ouvre sa lèvre chérie,
    Et lève, en chantant,...

  • Après qu'Amour par trop mortelle atteinte
    M'eut fait au coeur une plaie piteuse,
    Et qu'il connut que sa flamme amoureuse
    Etait en moi bien ardemment empreinte :

    Il retira sa flèche en mon sang teinte,
    Laissant en moi son humeur venimeuse :
    Mais ma maîstresse (hélas) trop rigoureuse,
    Il ne toucha seulement que par feinte.

    Or pour fuir...

  • Quand près de toi le travail je repose,
    Seule en ce monde image de merveille,
    Du long souci, qui mon penser réveille,
    Et qu'Amour dicte au parler quelque chose,

    Je vois ta face en teint naïf de rose,
    Être à la blanche, ou la rouge pareille,
    Ore pâlir, puis devenir vermeille,
    Tant au changeant ta couleur se dispose.

    Vois que quand l'air...

  • Père du doux repos, Sommeil, père du Songe,
    Maintenant que la nuit, d'une grande ombre obscure,
    Fait à cet air serein humide couverture,
    Viens, Sommeil désiré et dans mes yeux te plonges.

    Ton absence, Sommeil, languissamment allonge
    Et me fait plus sentir la peine que j'endure.
    Viens, Sommeil, l'assoupir et la rendre moins dure,
    Viens abuser mon...

  • Puisque je vois que mes afflictions
    Sont au plus haut degré de leur effort,
    Et que le Ciel conjuré à ma mort
    A tout malheur me guide,
    Regrets, soupirs, plaints, pleurs, et passions,
    Je vous lâche la bride.

    Je n'ai espoir que mon cri entendu
    Puisse adoucir la fière cruauté
    De ma déesse, et dame de beauté,
    Mais ce mal me console,
    Que...

  • A cet anneau parfait en forme ronde,
    Ensemble et toi, et moi, je parangonne.
    La foi le clôt : la foi ne m'abandonne.
    Son teint est d'or : moins que l'or tu n'es blonde.

    S'il est semé de larmes : trop abonde
    L'humeur en moi, qui proie au deuil me donne.
    Si un écrit au dedans l'environne
    Tu m'es au coeur en gravure profonde.

    Sa foi retient...

  • Des yeux auxquels ainsi, qu'en un Trophée
    L'arc, et les traits d'Amour sont amassés :
    Des cheveux d'or, crêpés, et enlacés
    D'une coiffure en fin or étoffée

    Et de la main, qui rendait échauffée
    La volonté des fiers coeurs englacés :
    Et des doux mots doucement prononcés,
    Fut dessus moi victoire triomphée.

    Ô de beauté céleste simulacre...

  • Quand elle vit à la Mort déployer
    L'impiteux trait pour son voisin occire,
    En permettant à la pitié d'élire
    Siège en son coeur, se prit à larmoyer.

    Et tant de traits, qu'Amour vint employer,
    Pour me contraindre en infini martyre
    Mourir toujours, n'ont jamais pu suffire,
    Pour à pitié, tant soit peu, la ployer.

    Bien mille morts, morts de...