• Comme un troupeau de boeufs aveugles,
    Avec effarement, là-bas, au fond des soirs,
    L'ouragan beugle.

    Et tout à coup, par au-dessus des pignons noirs,
    Que dresse, autour de lui, l'église, au crépuscule,
    Rayé d'éclairs, le clocher brûle.

    Le vieux sonneur, la tête folle,
    La bouche ouverte et sans parole,
    Accourt ;
    Et le tocsin qu'il frappe,...

  • Brisez-leur pattes et vertèbres,
    Chassez les rats, les rats.
    Et puis versez du froment noir,
    Le soir,
    Dans les ténèbres.

    Jadis, lorsque mon coeur cassa,
    Une femme le ramassa
    Pour le donner aux rats.

    - Brisez-leur pattes et vertèbres.

    Souvent je les ai vus dans l'âtre,
    Taches d'encre parmi le plâtre,
    Qui grignotaient ma...

  • Lassé des mots, lassé des livres,
    Qui tiédissent la volonté,
    Je cherche, au fond de ma fierté,
    L'acte qui sauve et qui délivre.

    La vie, elle est là-bas, violente et féconde,
    Qui mord, à galops fous, les grands chemins du monde.
    Dans le tumulte et la poussière,
    Les forts se sont pendus à sa crinière
    Et, soulevés par elle et par ses bonds,
    De...

  • Quoique nous le voyions fleurir devant nos yeux
    Ce jardin clair où nous passons silencieux,
    C'est plus encor en nous que se féconde
    Le plus candide et doux jardin du monde.

    Car nous vivons toutes les fleurs,
    Toutes les herbes, toutes les palmes
    En nos rires et en nos pleurs
    De bonheur pur et calme.

    Car nous vivons toute la joie
    Dardée...

  • Oh ! ces villes, par l'or putride envenimées !
    Clameurs de pierre et vols et gestes de fumées,
    Dômes et tours d'orgueil et colonnes debout
    Dans l'espace qui vibre et le travail qui bout,
    En aimas-tu l'effroi et les affres profondes
    O toi, le voyageur
    Qui t'en allais triste et songeur
    Par les gares de feu qui ceinturent le monde ?

    Cahots et bonds...

  • Groupes de travailleurs, fiévreux et haletants,
    Qui vous dressez et qui passez au long des temps
    Avec le rêve au front des utiles victoires,
    Torses carrés et durs, gestes précis et forts,
    Marches, courses, arrêts, violences, efforts,
    Quelles lignes fières de vaillance et de gloire
    Vous inscrivez tragiquement dans ma mémoire !
    Je vous aime, gars des pays...

  • En ce rugueux hiver où le soleil flottant
    S'échoue à l'horizon comme une lourde épave,
    J'aime à dire ton nom au timbre lent et grave
    Quand l'horloge résonne aux coups profonds du temps.

    Et plus je le redis, plus ma voix est ravie
    Si bien que de ma lèvre, il descend dans mon coeur,
    Et qu'il réveille en moi un plus ardent bonheur
    Que les mots les...

  • Lorsque ta main confie, un soir des mois torpides,
    Au cellier odorant les fruits de ton verger,
    Il me semble te voir avec calme ranger
    Nos anciens souvenirs parfumés et sapides.

    Et le goût m'en revient tel qu'il passa jadis
    Dans l'or et le soleil et le vent - sur mes lèvres ;
    Et je revis alors mille instants abolis
    Et leur joie et leur rire et...

  • Depuis l'été que se brisa sur elle
    Le dernier coup d'éclair et de tonnerre,
    Le silence n'est point sorti
    De la bruyère.

    Autour de lui, là-bas, les clochers droits
    Secouent leur cloche, entre leurs doigts,
    Autour de lui, rôdent les attelages,
    Avec leur charge à triple étage,
    Autour de lui, aux lisières des sapinières,
    Grince la roue en son...

  • Le vieux meunier du moulin noir,
    On l'enterra, l'hiver, un soir
    De froid rugueux, de bise aiguë
    En un terrain de cendre et de ciguës.

    Le jour dardait sa clarté fausse
    Sur la bêche du fossoyeur ;
    Un chien errait près de la fosse,
    L'aboi tendu vers la lueur.
    La bêche, à chacune des pelletées,
    Telle un miroir se déplaçait,
    Luisait,...