J'adore l'indécis, les sons, les couleurs frêles,
Tout ce qui tremble, ondule, et frissonne, et chatoie :
Les cheveux et les yeux, l'eau, les feuilles, la soie,
Et la spiritualité des formes grêles ;
Les rimes se frôlant comme des tourterelles,
La fumée où le songe en spirales tournoie,
La chambre au crépuscule, où Son profil se noie,
Et la...
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J?aime l?aube aux pieds nus qui se coiffe de thym,
Les coteaux violets qu?un pâle rayon dore,
Et la persienne ouverte avec un bruit sonore,
Pour boire le vent frais qui monte du jardin,
La grand?rue au village un dimanche matin,
La vache au bord de l?eau toute rose d?aurore,
La fille aux claires dents, la feuille humide encore,
Et le divin cristal d?un... -
Dans la splendeur dorée et cruelle du soir
Les taureaux, fronts crépus et sanglantes paupières,
Se hâtant lourdement sous les sombres lanières,
Mélancoliquement s?en vont à l?abattoir.
Auprès d?eux, dominant le troupeau du trottoir,
Les beaux bouchers, casqués de vivaces crinières,
S?avancent, déployant de puissantes manières,
Et vont roulant le torse... -
J?aime invinciblement. J?aime implacablement.
Je sais qu?il est des coeurs de neige et de rosée ;
Moi, l?amour sous son pied me tient nue et brisée ;
Et je porte mes sens comme un mal infamant.
Ma bouche est détendue, et mes hanches sont mûres ;
Mes seins un peu tombants ont la lourdeur d?un fruit ;
Comme l?impur miroir d?un restaurant de nuit,
Mon... -
Ce soir, ta chair malade a des langueurs inertes ;
Entre tes doigts fiévreux meurent tes beaux glaïeuls ;
Ce soir, l?orage couve, et l?odeur des tilleuls
Fait pâlir par instants tes lèvres entr?ouvertes.
Les yeux plongeant au fond des campagnes désertes,
Nous sentons croître en nous, sous la nue en linceuls,
Cette solennité tragique d?être seuls ;
Et... -
Devant la mer, un soir, un beau soir d?Italie,
Nous rêvions... toi, câline et d?amour amollie,
Tu regardais, bercée au coeur de ton amant,
Le ciel qui s?allumait d?astres splendidement.
Les souffles qui flottaient parlaient de défaillance ;
Là-bas, d?un bal lointain, à travers le silence,
Douces comme un sanglot qu?on exhale à genoux,
Des valses d?... -
Premiers soirs de printemps : tendresse inavouée...
Aux tiédeurs de la brise écharpe dénouée...
Caresse aérienne... encens mystérieux...
Urne qu'une main d'ange incline au bord des cieux...
Oh ! Quel désir ainsi, troublant le fond des âmes,
Met ce pli de langueur à la hanche des femmes ?
Le couchant est d'or rose et la joie emplit l'air,
Et la ville, ce soir... -
Son rêve fastueux, seul, lui donnait des fêtes ;
Il avait son orgueil intime pour ami.
Grave, pour dérider un peu son front blêmi,
Il regardait ses fleurs et caressait ses bêtes.
Soumis à ses grands yeux étranges de prophète,
De beaux désirs pareils à des tigres parmi
Les jungles de ses sens s?étiraient à demi.
Il vivait seul avec son âme pour conquête... -
Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les îlots,
Une harpe d'amour soupirait, infinie ;
Les flots voluptueux ruisselaient d'harmonie
Et des larmes montaient aux yeux des matelots.
Les Sirènes chantaient... Là-bas, vers les rochers,
Une haleine de fleurs alanguissait les voiles ;
Et le ciel reflété dans les flots pleins d'étoiles
Versait tout son azur... -
O femme, chair tragique, exquisement amère,
Femme, notre mépris sublime et notre Dieu,
O monstre de douceur, et cavale de feu,
Qui galopes plus vite encor que la Chimère.
Femme, qui nous attends dans l'ombre au coin du bois,
Quand, chevaliers d'avril, en nos armures neuves
Nous allons vers la vie, et descendons les fleuves
En bateaux pavoisés, le...