• Sous ces tilleuls qui nous prêtent leur ombre,
    Tu me promis cent baisers l'autre jour ;
    Tu me les a donnés, mais sans passer leur nombre,
    Eh ! Quel nombre, dis moi, peut suffire à l'amour ?
    Lorsque Cérès enrichit la nature,
    Sait-elle donc, trop avare Thaïs,
    Le compte de tous les épis
    Dont elle orne sa chevelure ?
    Flore au hasard va semant ses bouquets,...

  • Oui ; de ta bouche enfantine
    Donne-moi dans ces vergers
    Autant de furtifs baisers
    Qu'Ovide en prit à Corine ;
    Autant (je n'en veux pas plus)
    Qu'il naît d'amours sur tes traces,
    Qu'on voit jouer de Vénus
    Et de beautés et de grâces,
    Sur ton sein, entre tes bras,
    Dans ton délicat sourire,
    Dans tout ce que tu sais dire,...
    Et ce que tu ne dis...

  • Quand neuf baisers m'auront été promis,
    Ne m'en donne que huit, et malgré ta promesse,
    Soudain, échappe, ma Thaïs.
    En la trompant, augmente mon ivresse :
    Cours te cacher derrière tes rideaux,
    Dans ton alcôve, asyle du mystère,
    Sous l'ombrage de tes berceaux ;
    Fuis, reparais, et ris de ma colère.
    De berceaux en berceaux, de réduit en réduit,
    J'...

  • Les étoiles brillaient encore :
    A peine un jour faible et douteux
    Ouvre la paupière de Flore,
    Qui, dans ses bras voluptueux,
    Retient l'inconstant qu'elle adore.
    Le souffle humide d'un vent frais
    Effleure les airs qu'il épure,
    Soupire à travers ces bosquets,
    Et vient hâter par son murmure
    Le chant des hôtes des forêts
    Et le réveil de la nature....

  • Donne-moi, ma belle maîtresse,
    Donne-moi, disais-je, un baiser,
    Doux, amoureux, plein de tendresse...
    Tu n'osas me le refuser :
    Mais que mon bonheur fut rapide !
    Ta bouche à peine, souviens-t-en,
    Eut effleuré ma bouche avide,
    Elle s'en détache à l'instant.
    Ainsi s'exhale une étincelle.
    Oui, plus que Tantale agité,
    Je vois, comme une onde...

  • Ode anacréontique

    Souffle divin, puissant moteur,
    Dont les impressions soudaines
    Font couler le feu dans nos veines,
    Et le plaisir dans notre coeur :

    Désir, j'adore ton ivresse,
    Tes traits rapides et brûlants,
    Et tes impétueux élans,
    Et ta langueur enchanteresse...

    Vents, taisez-vous, faunes ardents
    Cessez votre lutte...

  • Amour ! le seul péché qui vaille qu'on se damne,
    - En vain dans ses sermons le prêtre te condamne,
    En vain dans son fauteuil, besicles sur le nez,
    La maman te dépeint comme un monstre à sa fille ;
    - En vain Orgon jaloux ferme sa porte, et grille
    Ses fenêtres. - En vain dans leurs livres mort-nés,
    Contre toi longuement les moralistes crient,
    En vain de...

  • J'aime d'un fol amour les monts fiers et sublimes !
    Les plantes n'osent pas poser leurs pieds frileux
    Sur le linceul d'argent qui recouvre leurs cimes ;
    Le soc s'émousserait à leurs pics anguleux.

    Ni vigne aux bras lascifs, ni blés dorés, ni seigles ;
    Rien qui rappelle l'homme et le travail maudit.
    Dans leur air libre et pur nagent des essaims d'aigles,...

  • J'ai laissé de mon sein de neige
    Tomber un oeillet rouge à l'eau.
    Hélas ! comment le reprendrai-je
    Mouillé par l'onde du ruisseau ?
    Voilà le courant qui l'entraîne !
    Bel oeillet aux vives couleurs,
    Pourquoi tomber dans la fontaine ?
    Pour t'arroser j'avais mes pleurs !

  • Connaissez-vous la blanche tombe
    Où flotte avec un son plaintif
    L'ombre d'un if ?
    Sur l'if, une pâle colombe,
    Triste et seule, au soleil couchant,
    Chante son chant.

    Un air maladivement tendre,
    A la fois charmant et fatal,
    Qui vous fait mal,
    Et qu'on voudrait toujours entendre,
    Un air, comme en soupire aux cieux
    L'ange amoureux...