• - La terre est de granit, les ruisseaux sont de marbre ;
    C'est l'hiver ; nous avons bien froid. Veux-tu, bon arbre,
    Être dans mon foyer la bûche de Noël ?
    - Bois, je viens de la terre, et, feu, je monte au ciel.
    Frappe, bon bûcheron. Père, aïeul, homme, femme,
    Chauffez au feu vos mains, chauffez à Dieu votre âme.
    Aimez, vivez. - Veux-tu, bon arbre, être timon...

  • Dante écrit deux vers, puis il sort ; et les deux vers
    Se parlent. Le premier dit : - Les cieux sont ouverts.
    Cieux ! je suis immortel. - Moi, je suis périssable.
    Dit l'autre. - je suis l'astre. - Et moi le grain de sable.
    - Quoi ! tu doutes étant fils d'un enfant du ciel !
    - Je me sens mort. - Et moi, je me sens éternel.
    Quelqu'un rentre et relit ces vers, Dante...

  • Un hymne harmonieux sort des feuilles du tremble ;
    Les voyageurs craintifs, qui vont la nuit ensemble,
    Haussent la voix dans l'ombre où l'on doit se hâter.
    Laissez tout ce qui tremble
    Chanter.

    Les marins fatigués sommeillent sur le gouffre.
    La mer bleue où Vésuve épand ses flots de soufre
    Se tait dès qu'il s'éteint, et cesse de gémir.
    Laissez tout...

  • Oh ! n'insultez jamais une femme qui tombe !
    Qui sait sous quel fardeau la pauvre âme succombe !
    Qui sait combien de jours sa faim a combattu !
    Quand le vent du malheur ébranlait leur vertu,
    Qui de nous n'a pas vu de ces femmes brisées
    S'y cramponner longtemps de leurs mains épuisées !
    Comme au bout d'une branche on voit étinceler
    Une goutte de pluie...

  • A Madame ***

    I

    Ce livre errant qui va l'aile brisée,
    Et que le vent jette à votre croisée
    Comme un grêlon à tous les murs cogné,

    Hélas ! il sort des tempêtes publiques.
    Le froid, la pluie, et mille éclairs obliques
    L'ont assailli, le pauvre nouveau-né.

    Il est puni d'avoir fui ma demeure.
    Après avoir chanté, voici qu'il...

  • Amis, je me remets à travailler ; j'ai pris
    Du papier sur ma table, une plume, et j'écris ;
    J'écris des vers, j'écris de la prose ; je songe.
    Je fais ce que je puis pour m'ôter du mensonge,
    Du mal, de l'égoïsme et de l'erreur ; j'entends
    Bruire en moi le gouffre obscur des mots flottants ;
    Je travaille.

    Ce mot, plus profond qu'aucun autre,
    ...

  • Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
    De venir dans ma chambre un peu chaque matin;
    Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère;
    Elle entrait, et disait: Bonjour, mon petit père ;
    Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait
    Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
    Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe.
    Alors, je reprenais, la...

  • Ô souvenirs ! printemps ! aurore !
    Doux rayon triste et réchauffant !
    - Lorsqu'elle était petite encore,
    Que sa soeur était tout enfant... -

    Connaissez-vous, sur la colline
    Qui joint Montlignon à Saint-Leu,
    Une terrasse qui s'incline
    Entre un bois sombre et le ciel bleu ?

    C'est là que nous vivions, - Pénètre,
    Mon coeur, dans ce passé...

  • Laissez. - Tous ces enfants sont bien là. - Qui vous dit
    Que la bulle d'azur que mon souffle agrandit
    A leur souffle indiscret s'écroule ?
    Qui vous dit que leurs voix, leurs pas, leurs jeux, leurs cris,
    Effarouchent la muse et chassent les péris ? ... -
    Venez, enfants, venez en foule !

    Venez autour de moi. Riez, chantez, courez !
    Votre oeil me jettera...

  • (IV)

    Cent fois, cent fois, cent fois, j'en répète l'aveu,
    J'aime ! Et Dieu mes torture, et voici mon blasphème,
    Voici ma frénésie et mon hurlement : j'aime !
    J'aime, à faire trembler les cieux ! - Quoi ! c'est en vain !
    Oh ! c'est là l'inouï, l'horrible, le divin,
    De se dresser, d'ouvrir des ailes insensées,
    De s'attacher, sanglant, à toutes les...