• Quien no ama, no vive.


    Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage,
    Si jamais vous n'avez épié le passage,
    Le soir, d'un pas léger, d'un pas mélodieux,
    D'un voile blanc qui glisse et fuit dans les ténèbres,
    Et, comme un météore au sein des nuits funèbres,
    Vous laisse dans le coeur un sillon radieux ;

    Si vous ne connaissez que...

  • Il ne sera pas dit que ce jeune homme, ô deuil !
    Se sera de ses mains ouvert l'affreux cercueil
    Où séjourne l'ombre abhorrée,
    Hélas ! et qu'il aura lui-même dans la mort
    De ses jours généreux, encor pleins jusqu'au bord,
    Renversé la coupe dorée,

    Et que sa mère, pâle et perdant la raison,
    Aura vu rapporter au seuil de sa maison,
    Sous un...

  • Je t'adore. Soyons deux heureux. Viens t'asseoir
    Dans une ombre qui soit un peu semblable au soir.
    Marchons bien doucement. Sois pensive. Sois lasse.
    Profitons du moment où personne ne passe ;
    Entrons dans le hallier, cachés par les blés mûrs.

    Que ne puis-je élever brusquement quatre murs
    Ici, dans ce coin chaste, et d'un coup de baguette !
    La...

  • Jeanne songeait, sur l'herbe assise, grave et rose ;
    Je m'approchai : - Dis-moi si tu veux quelque chose,
    Jeanne ? - car j'obéis à ces charmants amours,
    Je les guette, et je cherche à comprendre toujours
    Tout ce qui peut passer par ces divines têtes.
    Jeanne m'a répondu : -je voudrais voir des bêtes.
    Alors je lui montrai dans l'herbe une fourmi.
    Vois ! - Mais...

  • PREMIERE LETTRE

    Puisque nous avons seize ans,
    Vivons, mon vieux camarade,
    Et cessons d'être innocents ;
    Car c'est là le premier grade.

    Vivre c'est aimer. Apprends
    Que, dans l'ombre où nos coeurs rêvent,
    J'ai vu deux yeux bleus, si grands
    Que tous les astres s'y lèvent.

    Connais-tu tous ces bonheurs ?
    Faire des songes...

  • De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ?

    De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages,
    Aux sources, à l'aurore, à la nuée, aux vents ?
    De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ?
    Homme, crois-tu que Dieu, ce père, fasse naître
    L'aile pour l'accrocher au clou de ta fenêtre ?
    Ne peux-tu vivre heureux et content sans cela ?
    Qu'est-ce...

  • La plume, seul débris qui restât des deux ailes
    De l'archange englouti dans les nuits éternelles,
    Était toujours au bord du gouffre ténébreux.
    Les morts laissent,ainsi quelquefois derrière eux
    Quelque chose d'eux-même au seuil de la nuit triste,
    Sorte de lueur vague et sombre, qui persiste.

    Cette plume avait-elle une âme ? qui le sait ?
    Elle avait...

  • à la nuit tombante


    L'Occident était blanc, l'Orient était noir ;
    Comme si quelque bras sorti des ossuaires
    Dressait un catafalque aux colonnes du soir,
    Et sur le firmament déployait deux suaires.

    Et la nuit se fermait ainsi qu'une prison.
    L'oiseau mêlait sa plainte au frisson de la plante.
    J'allais. Quand je levai mes yeux vers l'...

  • France ! à l'heure où tu te prosternes,
    Le pied d'un tyran sur ton front,
    La voix sortira des cavernes
    Les enchaînés tressailleront.

    Le banni, debout sur la grève,
    Contemplant l'étoile et le flot,
    Comme ceux qu'on entend en rêve,
    Parlera dans l'ombre tout haut ;

    Et ses paroles qui menacent,
    Ses paroles dont l'éclair luit,
    Seront...

  • Jeanne parle ; elle dit des choses qu'elle ignore ;
    Elle envoie à la mer qui gronde, au bois sonore,
    A la nuée, aux fleurs, aux nids, au firmament,
    A l'immense nature un doux gazouillement,
    Tout un discours, profond peut-être, qu'elle achève
    Par un sourire où flotte une âme, où tremble un rêve,
    Murmure indistinct, vague, obscur, confus, brouillé.
    Dieu, le...