• J'aime les soirs sereins et beaux, j'aime les soirs,
    Soit qu'ils dorent le front des antiques manoirs
    Ensevelis dans les feuillages ;
    Soit que la brume au loin s'allonge en bancs de feu ;
    Soit que mille rayons brisent dans un ciel bleu
    A des archipels de nuages.

    Oh ! regardez le ciel ! cent nuages mouvants,
    Amoncelés là-haut sous le souffle des vents,...

  • Maintenant que mon temps décroît comme un flambeau,
    Que mes tâches sont terminées ;
    Maintenant que voici que je touche au tombeau
    Par les deuils et par les années,

    Et qu'au fond de ce ciel que mon essor rêva,
    Je vois fuir, vers l'ombre entraînées,
    Comme le tourbillon du passé qui s'en va,
    Tant de belles heures sonnées ;

    Maintenant que...

  • Il neigeait. On était vaincu par sa conquête.
    Pour la première fois l'aigle baissait la tête.
    Sombres jours ! l'empereur revenait lentement,
    Laissant derrière lui brûler Moscou fumant.
    Il neigeait. L'âpre hiver fondait en avalanche.
    Après la plaine blanche une autre plaine blanche.
    On ne connaissait plus les chefs ni le drapeau.
    Hier la grande armée, et...

  • Les autres en tout sens laissent aller leur vie,
    Leur âme, leur désir, leur instinct, leur envie ;
    Tout marche en eux, au gré des choses qui viendront,
    L'action sans idée et le pied sans le front ;
    Ils suivent au hasard le projet ou le rêve,
    Toute porte qui s'ouvre ou tout vent qui s'élève ;
    Le présent les absorbe en sa brièveté.
    Ils ne seront jamais...

  • La terre est au soleil ce que l'homme est à l'ange.
    L'un est fait de splendeur ; l'autre est pétri de fange.
    Toute étoile est soleil; tout astre est paradis.
    Autour des globes purs sont les mondes maudits ;
    Et dans l'ombre, où l'esprit voit mien que la lunette,
    Le soleil paradis traîne l'enfer planète.
    L'ange habitant de l'astre est faillible ; et, séduit,
    Il...

  • Comment, disaient-ils,
    Avec nos nacelles,
    Fuir les alguazils ?
    - Ramez, disaient-elles.

    Comment, disaient-ils,
    Oublier querelles.
    Misère et périls ?
    - Dormez, disaient-elles.

    Comment, disaient-ils,
    Enchanter les belles
    Sans philtres subtils ?
    - Aimez, disaient-elles.

  • Ô ville, tu feras agenouiller l'histoire.
    Saigner est ta beauté, mourir est ta victoire.
    Mais non, tu ne meurs pas. Ton sang coule, mais ceux
    Qui voyaient César rire en tes bras paresseux,
    S'étonnent : tu franchis la flamme expiatoire,
    Dans l'admiration des peuples, dans la gloire,
    Tu retrouves, Paris, bien plus que tu ne perds.
    Ceux qui t'assiègent,...

  • Les enfants lisent, troupe blonde ;
    Ils épellent, je les entends ;
    Et le maître d'école gronde
    Dans la lumière du printemps.

    J'aperçois l'école entrouverte ;
    Et je rôde au bord des marais ;
    Toute la grande saison verte
    Frissonne au loin dans les forêts.

    Tout rit, tout chante ; c'est la fête
    De l'infini que nous voyons ;
    La...

  • Vois, ce spectacle est beau. - Ce paysage immense
    Qui toujours devant nous finit et recommence ;
    Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ;
    Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ;
    L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes ;
    Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes,
    Montrant la double main empreinte en ses contours,...

  • Ô mes lettres d'amour, de vertu, de jeunesse,
    C'est donc vous ! Je m'enivre encore à votre ivresse ;
    Je vous lis à genoux.
    Souffrez que pour un jour je reprenne votre âge !
    Laissez-moi me cacher, moi, l'heureux et le sage,
    Pour pleurer avec vous !

    J'avais donc dix-huit ans ! j'étais donc plein de songes !
    L'espérance en chantant me berçait de mensonges...