Puisse advenir que ma fiere Maistresse
Voyant le lict de mon sombre repos,
En souspirant me tienne ce propos,
La larme à l'oeil et le sein en tristesse :
Ô sainct dépost, enfant de ma rudesse,
Qui tien mon coeur enlacé dans tes os,
Reçoi benin ces pleurs et ces sanglots,
Et les regrets que je respans sans cesse :
Tu gis icy pour m'aimer...
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Tu es le rien, fortune : et si es toute chose,
Rien, parce que de rien toutes choses se font,
Tout, parce que dans toi les choses se défont ;
Bref, tu es tout et rien, et leur métamorphose :
Mais ce n'est pas par toi que j'aime ces beaux yeux,
Qui me vont tempêtant sur un ardent Neptune :
Si j'aimais par hasard, le sort audacieux
Éteindrait... -
Je chante et pleure, et veux faire et défaire,
J'ose et je crains, et je fuis et je suis,
J'heurte et je cède, et j'ombrage et je luis,
J'arrête et cours, je suis pour et contraire,
je veille et dors, et suis grand et vulgaire,
Je brûle et gèle, et je puis et ne puis,
J'aime et je hais, je conforte et je nuis,
Je vis et meurs, j'espère et... -
Puisque tu veux dompter les siècles tout-perdants
Par le rare portrait de ses grâces divines,
Frise de chrysoliths ses tempes ivoirines,
Fais de corail sa lèvre, et de perle ses dents ;
Fais ses yeux de cristal, y plaçant au dedans
Un cercle de saphirs et d'émeraudes fines,
Puis musse dans ces ronds les embûches mutines
De mille Amours taillés sur... -
Un jour mon beau soleil miroit sa tresse blonde
Aux rais du grand Soleil qui n'a point de pareil :
Le grand Soleil aussi miroit son teint vermeil
Au Ray de mon Soleil que nul ray ne seconde :
Mon Soleil au Soleil estoit Soleil et onde :
Le grand Soleil estoit son onde et son Soleil :
Le Soleil se disoit le Soleil nompareil :
Mon Soleil se disoit le... -
Je m'embarque joyeux, et ma voile pompeuse
M'ôte déjà la terre et me donne les mers,
Je ne vois que le ciel uni aux sillons pers :
C'est le premier état de mon âme amoureuse.
Puis je vois s'élever une vapeur confuse,
Ombrageant tout le ciel qui se fend en éclairs,
Le tonnerre grondant s'anime par les airs
C'est le second état dont elle est... -
Le baiser en l'Amour est l'octave en Musique,
Vous en avez prins un, et vous en voulez deux ;
Pourquoy enervez-vous les accords amoureux,
C'est pecher, disiez-vous, contre la Theorique.
Non je ne baise point qu'en pure Arithmetique,
Respondis-je soudain, deux baisers savoureux
Font nombre, l'unité est un rien mal heureux
Payez moi, vous devez une... -
Ores que je suis mort, je vai, je viens, je vire,
Et quand j'estoi vivant j'arrestoi aux desers,
Je peuploi les rochers, or' je peuple les mers,
Je portoi fruict sans vie, ores mon fruict respire.
Le Ciel me tempestoit, or l'onde me martire,
Ma mere m'assit droict, et mon pere à l'envers,
Je fuis autant le vert, comme je suis le pers,
Mes cheveux... -
Voz yeux plus prompts qu'esclairs, plus subtils que la foudre,
Plus beaux que le Soleil, plus parfaits que les Cieux :
Plus forts que la nature, et plus grands que les Dieux,
Sont les buchers ardents qui me mettent en poudre :
Or pouldre de voz yeux vous me verrez dissouldre
En atomes biaisant par le vuide ocieux,
Puis assembler par sort un rond... -
Ce n'est pas le trépas, c'est un très doux sommeil
Qui bannit peu à peu l'éclair de ma paupière,
Adieu ; je vais jouir d'une douce lumière,
Attendant que ce corps s'anime de réveil.
Ami, ne pleure plus, ton amour non pareil
Recevra sa couronne au bout de la carrière :
Ainsi passait ma belle, et sa douce manière
Arrêtait de pitié la course du soleil...