• Ruminant au logis tout un passé funèbre
    Où des ferments aigris de haine et de remord
    Joignaient leur goût de fiel à des saveurs de mort,
    J'entrais dans cette horreur où l'esprit s'enténèbre.

    Quel qu'il fût, l'être humain, rien qu'avec sa présence
    M'évoquant tant de mal que j'ai souffert par lui,
    M'aurait envenimé. Contre un si noir ennui
    Ma...

  • La meunière, une forte et rougeaude jeunesse,
    Chantait dans sa charrette en piquant son bardeau ;
    Tout à coup, l'animal quittant son pas lourdaud,
    Partit brusque ! il venait de sentir une ânesse.

    Celle-ci, l'ayant vu du fond du brouillard pâle,
    D'un long cri de désir hélait le bourriquot
    Lequel hâtait sa course en ébranlant l'écho
    D'un grand hi-...

  • Cette plaine sans un chemin
    Figure au fond de la vallée
    La solitude immaculée
    Vierge de tout passage humain.

    Presque nue, elle a du mystère,
    Une étrangeté qui provient
    De ses teintes d'aspect ancien
    Et de son grand silence austère.

    Une brise lourde, parfois,
    Y laissant sa longue traînée,
    Elle exhale l'odeur fanée
    Des...

  • Dans sa grande jatte de grès,
    L'Angélique, la belle veuve,
    Avec sa crème toute neuve
    Fabrique un peu de beurre frais.

    Ses doigts et sa batte à loisir
    Fouettent, pressent, foulent, tripotent,
    Tournent, roulent, piquent, tapotent
    La crème lente à s'épaissir.

    Enfin, déjà compacts, les grumeaux s'agglomèrent
    Et prennent par degrés leur...

  • L'été, ces deux bouleaux qui se font vis-à-vis,
    Avec ce délicat et mystique feuillage
    D'un vert si vaporeux sur un si fin branchage,
    Ont l'air extasié devant les yeux ravis.

    Ceints d'un lierre imitant un grand serpent inerte,
    Pommés sur leurs troncs droits, tout lamés d'argent blanc,
    Ils charment ce pacage où leur froufrou tremblant
    Traîne le...

  • Par monts, par vaux, près des rivières,
    Les frimas font à volonté
    Des blocs d'ombre et d'humidité
    Avec le gisement des pierres.

    Sous le vert froid des houx, des lierres,
    Sous la ronce maigre, - à côté
    Du chardon dévioletté
    Cela dort dans les fondrières,
    Plein d'horreur et d'hostilité,
    Donnant aux brandes familières
    Une lugubre...

  • Ici, le rocher, l'arbre et l'eau
    Font pour mon oeil ce qu'il convoite.
    Tout ce qui luit, tremble ou miroite,
    Forme un miraculeux tableau.

    Sur le murmure qui se ouate
    Le rossignol file un solo :
    L'écorce blanche du bouleau
    Met du mystique dans l'air moite.

    A la fois légère et touffue
    La lumière danse à ma vue
    Derrière l'écran...

  • Le Soleil est le tout-puissant
    Qui féconde, en éblouissant,
    Plaines, coteaux, monts et vallées :
    Les immensités étalées
    Sous leur plafond d'azur luisant.

    Il éclate retentissant
    Jusqu'aux ravines désolées,
    Fait les terres bariolées,
    Rend irisé, phosphorescent,
    Le dos houleux des mers gonflées.

    Il trouve tout obéissant :
    ...

  • À Théodore de Banville.

    L'Enfer brûle, brûle, brûle.
    Ricaneur au timbre clair,
    Le Diable rôde et circule.

    Il guette, avance ou recule
    En zigzags, comme l'éclair ;
    L'Enfer brûle, brûle, brûle.

    Dans le bouge et la cellule,
    Dans les caves et dans l'air
    Le Diable rôde et circule.

    Il se fait fleur, libellule,
    ...

  • Dans sa forge aux murs bas d'où le jour va s'enfuir.
    Haut, roide, et sec du cou, des jambes et du buste,
    Il tire, mécanique, en tablier de cuir,
    La chaîne d'acier clair du grand soufflet robuste.

    Il regarde fourcher, rougeoyer et bleuir
    Les langues de la flamme en leur fourneau tout fruste,
    Et voici que des glas tintent sinistres... juste :
    Le...